Un peu de sport – ou de non-sport : Quelques statistiques en matière de dopage en Suisse et l’idée d’une agence mondiale anti-corruption

Posté le 8 novembre, 2010 dans sport / sportlaw

Dans les statistiques complètes des sanctions pour dopage en Suisse en 2009, déjà évoquées il y a peu ici, qui peuvent être téléchargées sur le site de antidoping.ch, le constat est à nouveau le même : une moitié (13 cas sur 25) concernent le cannabis, drogue récréative s’il en est. Il n’y a que quatre cas d’anabolisants et cinq de stimulants. Ces statistiques interpellent. Neuf cas de « vrai » dopage sur l’ensemble du sport suisse en une année, c’est peu, fort peu. Soit les athlètes sont propres pour l’essentiel, ce qui serait un succès. Soit les contrôles ne sont pas efficaces, et c’est frustrant et regrettable. Et l’endroit où se situe la vérité entre ces deux extrêmes impossible à estimer. Il reste problématique à mes yeux que la moitié des sanctions à la pratique d’un sport le soient pour du cannabis, quel que soit son avis sur cette drogue et son degré, haut ou bas selon, de dangerosité physiologique, psychologique et sociale. Idem pour 2010 au troisième trimestre : trois cas de cannabis et un de cocaïne sur… cinq cas au total. Camés mais pas dopés les sportifs Suisses… Sur la corruption dans le sport, qu’il s’agisse de truquer le résultat de compétitions, pour l’emporter ou dans le cadre de paris sportifs, dans ce dernier cas en lien avec le crime organisé, ou d’élections et/ou attributions d’évènements à des fédérations, villes ou pays, elle va bon train à teneur de l’actualité. Rien de surprenant hélas sachant le nombre de pays dans le monde dans lesquels la corruption est de prévalence haute, et sachant également les intérêts financiers souvent en jeu. Et d’où l’idée exprimée dans Le Temps du 28 octobre d’une agence anti-corruption – comme l’agence mondiale anti-dopage. Vraie ou fausse bonne idée ?

Le premier constat, par analogie avec le dopage, est que pour prendre le cyclisme par exemple, des progrès notoires n’ont à certaines périodes été accomplis que parce que la police et la justice pénale s’en sont mêlées, sur le Tour d’Italie, le Tour de France, aux Etats-Unis, envers des personnes suspectes. Les autorités sportives s’en étaient offusquées sur le thème de les laisser faire le ménage elles-mêmes, mais avec le succès limité que l’on sait. Un autre déterrent fut le risque pour certaines grandes fédérations que les sponsors se détournent d’évènements faussés par le dopage et leur image sportive détériorée. L’AMA est aujourd’hui un succès – mais par son appui scientifique nécessitant des moyens importants et sur la base de la volonté des autorités de nombreux Etats. Elle l’est aussi par l’unification de la matière et du domaine nécessaire et lié des sanctions. Une agence anti-corruption ne saurait être une mauvaise idée si elle regroupe des ressources et renforce la lutte, permet un monitoring d’activités suspectes par des personnes formées, et travaille dans le sens de meilleures procédures de contrôle et de gouvernance dans les fédérations. Il n’en demeure pas moins que comme l’AMA, elle n’aura pas la force publique à disposition, et que la corruption est avant tout et une fois commise une activité délictuelle. Or que font la police et la justice en la matière ? A vrai dire rien – ou pas grand chose. Des procédures ont-elles été ouvertes en Suisse en lien avec les allégations de corruption à la FIFA et l’UEFA ? Naturellement pas. L’argument est que sans plainte, les autorités pénales ne peuvent pas intervenir. Ce n’est pas exact. Même si certains aspects pénaux de la corruption privée ne se poursuivent que sur plainte, voire ne sont pas pénalement illicites, il y a toujours des infractions connexes qui se poursuivent elles d’office, comme l’escroquerie, la gestion déloyale, le faux dans les titres, etc.

La vérité est donc que les autorités de poursuite pénale suisses ne s’y intéressent pas et ne sont pas équipées pour s’y intéresser. Un autre point souvent entendu est le fait qu’il est préférable de laisser les fédérations faire leur ménage toutes seules. Cela a un sens – si elles le font – et certains doutent que des perquisitions puis des informations pénales soient le meilleur outil pour lutter contre ces fléaux. D’aucuns estiment également que de telles enquêtes pénales seraient mal prises par des fédérations puissantes représentant des centaines d’emplois et un poids économique considérable en Suisse, avec dès lors la tentation de s’en aller. Mais est-ce là une considération légitime ? Si des infractions ont été commises, elles doivent être instruites et les autorités de poursuite pénales doivent, ont l’obligation de s’en saisir. Qu’elles fassent ensuite bien ou mal leur travail est une autre question – mais elles en ont le droit et le devoir. Ensuite, le risque que ces méga-fédérations s’en aillent. Il existe bien sûr – en théorie, mais en théorie seulement. Trivialement d’abord, elles ne sont pas aisément déplaçables sur un plan pratique et le coût serait énorme. Et pour aller où ? Dans un autre Etat de droit ? La justice y fera également son travail. Dans un Etat plus complaisant ? Elles s’exposeraient alors à une sécurité du droit inférieure – dont elles sont pourtant demanderesses en tant qu’acteur tout de même a priori légitime de l’économie. Sans compter les conditions-cadres exceptionnelles de la Suisse sur une base comparée. Cette menace n’en est donc probablement pas une – et le serait-elle, so be it. Il n’est plus acceptable que le sport soit régulièrement miné par des comportements pénalement répréhensibles sans intervention de la  justice.

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