
Trois et huit ans de prison pour les voleurs de martingales de Goldman Sachs et Societe Generale – mais malaise à la clé
A New-York dans le domaine bancaire les affaires Aleynikov et Agrawal ont été suivies de près. Sur ce blog aussi. Ces deux jeunes informaticiens ont été poursuivis pénalement pour avoir copié les programmes de high speed/high frequency trading de respectivement Goldman Sachs et Societe Generale. L’accusation et ces affaires semblent simples et banales – vols de secrets commerciaux. Elles illustrent la certaine facilité à s’emparer de codes, programmes ou données électroniques, le côté virtuel, immatériel, du vol, le rendant peut-être plus facile, plus tentant que l’attaque d’un fourgon blindé. Mais opérations sur données électroniques qui demeurent cependant presque toujours traçables. Le mobile. Agrawal, 27 ans, condamné à trois ans, a admis avoir eu l’intention d’utiliser les codes pour développer un programme similaire chez un concurrent. Aleynikov, 40 ans, condamné à huit ans, qui avait été engagé par une autre firme, a nié avoir eu l’intention d’utiliser le programme volé – mais ce qui fut retenu. Ces deux condamnations sont une victoire et publicisées comme tel pour le Procureur et le Department of Justice dans leur lutte contre le corporate crime et le vol de propriété intellectuelle. Ok, les voleurs sont punis mais il y a un mais.
Ces martingales strictement synthétiques, qui représentaient un chiffre d’affaires de $ 300 millions chez Goldman Sachs en 2010, posent en elles-mêmes un très sérieux problème de licéité, civile et même pénale. Il est anormal, incompatible même avec la notion d’égalité des opérateurs, que certains bénéficient d’une rapidité supérieure dans la passation des ordres sur les marchés électroniques simplement parce qu’ils disposent d’un software plus rapide que les autres (voir aussi le flash trading). C’est la définition même d’une distorsion de marché, qu’il s’agisse de bénéficier de millisecondes d’avance sur base de la connaissance de la passation des ordres des autres, pure opération d’initié, ou de l’exploitation totalement hors de tous fondamentaux de mouvements de marchés en millisecondes également, manipulation de cours et abus de marché. Une forme non de saine et régulière concurrence mais une forme de « dopage électronique » de certains opérateurs. Il n’est pas anormal de poursuivre les voleurs – et lapalissade a fortiori s’ils volent pour exploiter le produit de leur vol. Il est étonnant et regrettable en revanche que ces pratiques de trading ne fassent pas elles l’objet de réelles enquêtes et poursuites. Les autorités de marché fonctionnent en vase clos. Aux Etats-Unis les mêmes personnes passent d’un côté à l’autre de la barrière entre les régulateurs et les opérateurs, ce qui est à d’autres égards une force. Parfois cela empêche toutefois l’examen objectif de pratiques qui sont néfastes au marché, aux investisseurs, ne profitent qu’aux opérateurs et distordent in fine leur fairness. Et un coup de bâton à celui qui invoquerait l’argument récurrent bateau mais bidon de la création de liquidité !