Ainsi M. Kurer sort de sa réserve, critique son lynchage médiatique et l’absence de décharge lors de la dernière AG de l’UBS, et se défend de toute faute dans l’affaire fiscale avec les Etats-Unis. Fort bien. A suivre. Mais alors que l’idée et le sens d’une CEP demeurent disputés, M. Kurer indique (dans Le Temps) avoir tiré les leçons de la crise financière. Les banques doivent renforcer leurs fonds propres et selon lui viser un ratio de 10% par rapport au bilan. La belle affirmation de la part d’un ex-presque fossoyeur. La BNS ne va pour sa part pas si loin puisqu’elle ne l’élèvera qu’à 5% et dès 2013 seulement pour l’UBS et le CS. Elever les fonds propres est ce qu’avait également dit M. Hildebrand à la Journée de droit bancaire et financier de l’Université de Genève en novembre 2008. Il affirmait devant une assemblée encore groggy de cette crise, avec un certain fatalisme, qu’il y avait des crises, que c’était comme ça, et qu’il fallait effectivement que les banques « prennent un peu de gras » lors des périodes de beau temps pour mieux résister en temps de crise – entendez par-là rehausser quelque peu les exigences de fonds propres. Cette déclaration, comme celle de M. Kurer aujourd’hui, n’avait pas manqué de choquer.
Rehausser de quelques points le ratio de fonds propres est probablement sain – mais n’aura aucun impact sur une banque qui rééditerait la faute incompréhensible d’engager plus de cinquante fois les fonds propres sur un seul instrument du type des subprimes. Que cette faute-là soit passée aux oubliettes, comme un aléa conjoncturel et éclipsée aussi par l’affaire fiscale, n’est pas acceptable. Comme il confine à la honte que le Parquet de Zurich ait estimé ne pas être en mesure de poursuivre une faute constituant une gestion déloyale dans les simples trois lignes de son énonciation. M. Kurer, philosophe, admet qu’un rehaussement des fonds propres « réduirait la disponibilité du crédit et diminuerait la rentabilité des banques ». La belle affaire ! – dès lors que l’UBS aurait pu simplement disparaître à cause de cette exposition hallucinante aux subprimes. La prétendue réduction de disponibilité du crédit et baisse de rentabilité sont sans commune mesure avec le champ de ruines – c’est de cela qu’il s’agit – que cette faillite visiblement bien vite oubliée aurait provoqué en Suisse. Quant aux fonds propres utilisés en couverture de tels investissements déraisonnables pour compte propre, ils ne sont eux effectivement pas disponibles pour les opérations de crédits qui doivent constituer une des missions primaires de la banque. Que de candeur ou de mauvais aloi donc. L’argument de la BNS visant à ne pas non plus rehausser trop rapidement ni trop fortement les exigences de fonds propres pour ne pas pénaliser nos banques au plan concurrentiel international était du même tonneau – soit à côté du problème. Ce genre d’appréciations de la part des acteurs et régulateurs de la finance sont décevantes, alarmantes. Elles ne sont certainement pas le présage d’un véritable changement de mentalités ni retour à une approche plus fondamentale.