Sous-commission d’enquête du Sénat américain, secret bancaire et UBS : Suite du feuilleton et quelques clés de lecture

Posté le 18 juillet, 2008 dans finance / eco

Comme l’on s’y attendait, la Suisse et l’UBS continuent à être mal pris sous le feu de la sous-commission d’enquête du Sénat américain en charge de la lutte contre les paradis fiscaux. Intéressant et important pour la Suisse. Quelques commentaires et clés de lecture :

– Le Département de la sécurité intérieure US (!) a fait suivre environ 500 voyageurs suisses, semble-il employés de l’UBS, pour connaître leurs déplacements et modus operandi. De la sécurité intérieure! Eh bien aux grands maux les grands remèdes! L’on voit mal cependant en quoi de l’évasion ou même fraude fiscale relève de la sécurité intérieure, et qu’une telle surveillance relevant du renseignement ait été opérée valablement hors une procédure judiciaire.

– Des banques suisses fort respectables, et dûment soumises à la surveillance des non moins respectables CFB et ASB, ont des pratiques contraires à l’obligation de ne pas prêter assistance à l’évasion de capitaux selon la Convention de diligence. Elles contournent de même jésuitiquement les règles non moins jésuitiques de l’accord QI. Qui tombe véritablement de sa chaise? Il y a en effet là un tel fond de commerce et une telle prospérité pour les banques – mais que penser de ces règles jésuitiquement énoncées si elles sont violées dans la pratique? Ce double jeu/double langage est évidemment préjudiciable en tant que tel et certainement dans le bras de fer qui s’est instauré avec les Etats-Unis.

– Paradoxalement, si les avoirs non déclarés de contribuables américains auprès de l’UBS ne sont effectivement «que» de USD 18 milliards, et il faudrait extrapoler à l’ensemble des banques suisses mais même dans ce cas, l’enjeu en terme d’impôts éludés pour les Etats-Unis est probablement assez relatif en valeur absolue. Et sûrement sans mesure avec les jérémiades sur un ton dramatique de la sous-commission sur le préjudice considérable ainsi infligé au contribuable américain honnête. Et en tout cas par rapport à l’ensemble du budget américain. Cela est cependant évidemment un problème de politique intérieure qu’il est difficile d’invoquer lorsque l’on est pris en faute – mais il serait intéressant de faire une projection du montant qui aurait dû être versé si ces comptes avaient été soumis à l’accord QI.

– L’UBS a maintenant et donc assez vite fait acte de rédemption, présenté des excuses publiques, admis ses fautes et annoncé son retrait du marché US off-shore. C’est probablement un très bon move. D’abord parce que la rédemption publique est un élément clé de toutes les «affaires» aux Etats-Unis. Ensuite parce que la présence de l’UBS sur la place financière et boursière US est indispensable et d’un intérêt infiniment supérieur au marché de private banking US off-shore. Enfin parce que cela permet des transactions qui sont également un élément clé de toute procédure juridique aux Etats-Unis. L’UBS devra-t-elle «rembourser» l’équivalent de ce qui aurait été perçu si ces comptes avaient été soumis à l’accord QI? Ce sera peut-être une base de départ. Reste le point du secret bancaire in casu. Les Etats-Unis veulent les noms des fraudeurs, la Suisse et l’UBS sont la partie faible dans ce bras de fer, mais l’UBS commettrait des infractions pénales – plus une trahison morale – envers les clients concernés. A suivre et délicat.

– Une sottise pour finir dans cet ensemble de faits et considérations intéressants. Le sénateur républicain Norm Coleman, justifiant la nouvelle «croisade» contre le secret bancaire et les paradis fiscaux, a déclaré qu’il y avait marre de ces paradis fiscaux et que «Les banques étrangères ne doivent pas être un lieu sûr pour Al Capone.». Si cela ne change rien au fond du débat, c’est assurément une phrase idiote. Elle ramène le débat aux années 50, 60 et 70 lors desquelles les américains accusaient régulièrement les banques suisses d’abriter l’argent de la mafia et d’Al Capone, ce à quoi les banques suisses rétorquaient qu’ils n’étaient pas fichus capables d’arrêter et de confondre Al Capone pour autre chose que de la fraude fiscale. Le sénateur Coleman a sur ce point une guerre de retard car s’il est précisément un domaine dans lequel les normes suisses sont plus précises et plus efficaces qu’aux Etats-Unis, c’est bien en matière de blanchiment.

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