Ski Suisse : Lara Gut, chance ou péril ?

Posté le 10 mars, 2008 dans sport / sportlaw

Le cas de la jeune skieuse Lara Gut n’en finit pas, effectivement, de secouer le monde du ski suisse. Et cela à juste titre.

En laissant de côté l’engouement médiatique envers une si jeune et si prometteuse sportive, et les aléas de ce sport quand même brutal qui feront qu’elle confirmera en devenant une très grande championne ou non, la structure « semi-privée », ou plutôt presque totalement privée, dans laquelle Lara Gut s’entraine et concourt confronte Swiss-Ski à un vrai problème et aux vrais défis de demain. Et à travers cela la remise en question de son monopole, de ses méthodes et de sa politique.

A plusieurs égards, les structures du ski suisse demeurent obsolètes et trop fortement imprégnées du modèle très militaire et centraliste qui a fait la gloire du ski suisse il y a vingt ou trente ans. Le regain de forme des skieurs suisse et l’émergence de nouveaux athlètes capables de gagner, chez les hommes en tout cas, ne doit pas masquer cette situation et résulte pour une large partie d’autres facteurs que la relativement petite évolution qu’il y eu dans les structures elles-mêmes ces dix dernières années.

L’avenir du ski, de manière inéluctable et pas seulement en suisse, ce sont trois filières distinctes coopérant entre elles et avec des passerelles plutôt qu’en se regardant avec méfiance et opposition : 1) la filière fédérale classique club/association régionale/interrégion/cadres nationaux, 2) des teams de marque et 3) des teams privés.

La filière traditionnelle convient à de nombreux athlètes mais pas à d’autres. Elle est là également pour soutenir, avec les moyens financiers de ses entités à chaque étage, ceux qui n’ont notamment pas les moyens d’avoir une cellule d’entrainement privée ou qui ne seront pris dans des teams de marque.

Il n’y a encore que peu de teams privés dans le ski, pour des raisons de coûts notamment, mais il y en aura davantage à l’avenir. Idem pour les teams de marque. Il n’y en a pas encore de véritables et autonomes, pour des raisons économiques, mais ce qui sera le cas à l’avenir (aussi bien d’ailleurs au niveau des têtes de série de la Coupe du monde que de baby-teams dans les séries inférieures). Il y en a déjà dans des disciplines alternatives.

A y bien réfléchir et tous arguments sur la table, il n’existe aucune raison ni sportive, ni réglementaire, ni économique, ni même de principe pour que les athlètes concourent obligatoirement au sein de l’équipe de la fédération nationale concernée. L’ouverture est même sportivement beaucoup plus équitable dès lors que seuls les points, donc les résultats, doivent permettre ou exclure une présence à chaque niveau de compétition.

Dans l’instauration de filières sport-études, point que l’on a (à tort) tant présenté comme la raison de l’infériorité de ces quinze dernières années face au ski autrichien, il y là aussi la possibilité, la nécessité de solutions alternatives. Il ne suffit certes pas de le dire et la question du financement demeure cruciale.

Nombre de situations n’évolueront cependant véritablement et favorablement que lorsque les fédérations nationales auront compris que la souplesse et la flexibilité sont des ressources – et non une atteinte inadmissible à leur souveraineté – et qu’elles se seront donc affranchies d’un mode de fonctionnement encore trop rigide, féodal et militaire.

Le ski rejoindra petit à petit inévitablement la formule du tennis. Même si la logistique d’entrainement est différente et nécessite davantage une mise la commun de ressources, c’est un sport tout aussi individuel et dans lequel la logique d’équipe, aussi sympathique et patriotique soit-elle, n’est finalement qu’historique.

Pour revenir à Lara Gut, pourquoi n’y aurait-il donc pas là une chance à la fois pour elle, le ski suisse en général et les autres athlètes, plutôt qu’une complication ou un problème comme l’exprime pour l’instant le chef de l’équipe féminine. Ou n’est-ce là finalement bel et bien qu’une question de susceptibilité et de pouvoir.

Espérons en tout cas non seulement que ce soit le cas, mais surtout que Lara Gut saura être préservée des débats, crispations et polémiques qui seront inévitables autour de sa personne et de sa cellule. Sa joie de skier, sa concentration et ses performances sont assurément à ce prix.

3 réponses à “ Ski Suisse : Lara Gut, chance ou péril ? ”

  1. Jean-Pierre Weibel dit :

    Tous les autres éléments étant égaux, en termes d’efficacité (et non de publicité), le seul critère de choix pour le cadre de l’activité sportive de Lara Gut devrait être la garantie qu’elle soit préservée au mieux de l’irruption du monde « grand public » dans la sphère privée de cette rayonnante jeune sportive, afin qu’elle puisse construire sa future personnalité d’adulte.
    C’est la famille qui devrait en être garante.
    Avec mes meilleurs voeux pour Lara

  2. Location ski dit :

    cet état de fait ce vérifie dans toutes les activités, il n’y a pas que le sport.

  3. […] Swiss-Ski aura perdu, le cas échéant en justice, une immense partie de ses prérogatives. Le LawThinkTankBlog en parlait déjà en mars 2008, s’agissant de Lara déjà. Comme ses entraîneurs le crient toujours à […]

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