Lors d’un récent Marathon du droit [1], l’orateur, après avoir détaillé l’évolution de la jurisprudence et des moeurs au plan civil en matière bancaire, a posé en conclusion la question suivante à ses yeux : à quand l’évolution de la jurisprudence pénale sur cette question des rétrocessions ? Le Tribunal fédéral pourrait bien y avoir répondu dans un arrêt récent – même s’il est pour l’instant passé aussi inaperçu que cette petite phrase. Tout ça c’est du civil et pas du pénal, circulez il n’y a rien à voir ? Pas si sûr. Dans un arrêt détaillé rendu à trois juges 6B_845/2014 du 16 mars 2015, le TF a examiné cette question. De manière méthodique sinon scolaire, il a repris les conditions de la gestion déloyale de l’art. 158 CP : un devoir de gestion et sa violation, laquelle implique de se reporter aux obligations du gérant selon le contrat en cause, soit le contrat de mandat. S’agissant des rétrocessions, le TF cite la doctrine s’étant penchée sur ses décisions civiles en la matière, qui considère que la non-restitution des rétrocessions n’atteint pas à elle seule le seuil de la gestion déloyale (c. 3.2.1) – mais en revanche la violation du devoir de rendre compte. Cela est discutable – mais laissé ouvert en l’état à la faveur de la violation des devoirs de l’autre casquette que l’auteur avait simultanément. Repartant de l’obligation civile du gérant de rendre compte et de restituer les rétrocessions au mandant, et de l’obligation simultanée de tuteur de recouvrer toutes les créances du pupille, le TF en tire un (évident) conflit d’intérêt – pour retirer des deux que l’auteur avait ici violé ses obligations de gérant. Le TF affirme laisser ainsi ouverte la question du gérant hors de tout contexte de tutelle – mais ce qui laisse en réalité songeur.
Certes le gérant simultanément tuteur a-t-il ce double devoir – qu’il a donc doublement violé en l’espèce. Mais le conflit d’intérêts existe sans cette double casquette. Comme il l’a consacré dans sa jurisprudence civile, le gérant qui encaisse une rétrocession de tiers est en conflit d’intérêts : les siens de choisir des investissements en fonction des rétrocessions qu’ils lui rapportent, et ceux du client auquel il doit un choix des investissements en vertu des seuls intérêts de celui-ci. Il n’y a pas donc de distinction fondamentale avec son raisonnement de cet arrêt. Ou, en d’autres termes, point n’est besoin que le gérant ait une double casquette et viole simultanément un double devoir pour remplir dès lors les conditions de la gestion déloyale. Cet arrêt tire pleinement dans le droit civil la violation d’un devoir de gestion. Pour autant, il renvoie à une prochaine fois de savoir s’il y a gestion déloyale du seul fait de la non-restitution des rétrocessions au client. On sent bien qu’il y a une gêne de la communauté juridique à criminaliser un comportement qui a été tellement répandu et même un modèle d’affaires. La double casquette de gérant et de tuteur de l’auteur condamné dans l’arrêt concerné donnait au TF une porte de sortie pour ne pas trancher cette question – et la situation de ce tuteur/gérant étant objectivement plus grave. Mais concevoir la solution en termes de seuil ou ayant dépendu de cette double casquette n’est pas entièrement cohérent avec la première partie du raisonnement tirant à juste titre du droit civil la violation du devoir de gestion. La prochaine fois ? A suivre.