Rétrocessions : Dans la polémique qui fait rage, le conflit d’intérêts inhérent à l’activité de services financiers (?) et elles ont été instrumentales dans Madoff

Posté le 5 décembre, 2012 dans finance / eco

Dans la polémique sur les rétrocessions qui fait rage, une réponse est que les conflits d’intérêts sont fréquents, inhérents même au secteur des services financiers. Dans l’affaire Goldman Sachs/Abacus, nombre avaient affirmé par exemple qu’il était habituel qu’un banquier d’affaires parie simultanément pour et contre l’un de ses produits, ou parie contre celui effectué par certains de ses clients dans un fonds ou un produit. Que c’était fréquent et notoire – d’où l’absence de tout problème de transparence, et donc de conflit. Argument qui n’a probablement pas cette portée puisque Goldman Sachs a accepté la plus grosse amende de l’histoire sur ce coup. Pour revenir au conflit d’intérêts, qui serait acceptable et normal parce qu’inhérent à l’activité de services financiers, consistant à toucher de son client pour le conseil de gestion et de l’émetteur d’un produit ou du gérant d’un fonds pour sa distribution, mais ce qui n’a pas convaincu le TF, quid alors de l’exemple suivant ? Un avocat représente une banque dans la négociation avec l’entreprise générale qui rénovera son immeuble. Il amène les parties à conclure le contrat, facture et encaisse ses honoraires de la part de sa cliente la banque, et reçoit une commission de la part de l’entrepreneur pour lui avoir permis de la sorte d’avoir le mandat de rénovation de l’immeuble de la banque. Et l’avocat de se défendre – comme les banques : ces deux rémunérations sont distinctes, ont des causes distinctes, je défends vos intérêts dans la négociation – mais j’ai le droit à ma commission de la part de l’entrepreneur puisque je lui apporte votre affaire. Va sans dire que le directeur et le juriste de la banque seraient collés au plafond et dénonceraient immédiatement l’avocat. Pour revenir aux effets pervers des rétrocessions, il est possible d’aller aussi loin que de dire qu’elles ont été instrumentales dans l’affaire Madoff.

Madoff, au-delà de son fonds de commerce initial de petits clients directs locaux, a été abreuvé par une trentaine de fonds « feeder » avec quatre pôles majeurs : la galaxie Fairfield (pour $ 7 milliards), la galaxie Sonja Kohn ($ 9 milliards), et HSBC et UBS comme grands dépositaires/administrateurs. Ces fonds et banques, mais également leurs nombreux autres suiveurs, ont servi de tapis roulants vers Madoff pour une majeure partie du net in, lui permettant de maintenir sa fraude en ayant constamment des apports compensant les sorties représentant les retraits en capital et en profits fictifs. Jusqu’aux retraits massifs induits par la crise de l’automne 2008. La rentabilité moyenne des fonds feeder étant de l’ordre de 2 à 4% plus ou moins nets, le modèle d’affaires a fréquemment comporté des rétrocessions – pour leur apporter du capital comme dit dans le précédent post. Comme souligné par le chief counsel du trustee Picard dans sa dernière newsletter, « A Ponzi scheme the size and duration of Bernard Madoff’s was only possible if he went global. » Meaning also que les commissions encaissées (pour ne pas fournir le service de gestion délégué à Madoff et pour lequel celui-ci n’était pas rémunéré), et les rétrocessions en dérivant, ont été l’un des composants instrumentaux de la fraude, l’un des facteurs menant une large part des acteurs à ne pas voir de red flags ni dans le modèle économique de Madoff, ni dans le modèle économique d’apport de fonds. Le conflit s’est ici une nouvelle fois concrétisé : apporter le capital du client pour toucher une commission ou rétrocession d’une part, conseiller le client contre rémunération d’autre part. Difficile d’en sortir : rémunération de l’apport de capital. C’est ce terme qui doit être retenu et rappelé. C’est pour cela que ces services, ces rémunérations, sont incompatibles. Comme dans l’exemple de l’avocat ci-dessus.

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