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Quand ne rien faire est commettre un crime – le délit de commission par omission

Dans le sentiment populaire, seule la non-assistance à personne en danger suscite l’indignation et est dès lors perçue comme une situation dans laquelle ne pas agir pose problème. Or cette notion n’existe pas isolément ou en tant que telle, et cette formulation étant française. Reste que se rendre coupable d’un crime ou une infraction parce que l’on n’agit pas, là où le droit pénal réprime essentiellement des actes, est souvent mal compris – au-delà de cette idée admise de non-assistance à personne en danger sur le fondement intuitif que chacun a dans ce cas là un certain devoir d’apporter cette assistance. Or il existe en réalité un certain nombre, limitatif mais certain nombre tout de même, de cas dans lesquels ne rien faire engage sa responsabilité pénale. Cette problématique concrète de droit pénal vient de faire l’objet d’une thèse publiée chez Schulthess par Adrian Dan, avocat à Genève, sous la direction de la Pr. Ursula Cassani. Du fondement philosophique d’une telle incrimination en passant par la distinction entre la commission et l’omission, l’auteur expose l’intégration de ce type d’infraction dans le droit pénal et sa cohérence d’ensemble, eu égard, comme premier écueil, au principe de la légalité. Puis il dissèque les cas et conditions dans lesquels ne rien faire est une infraction – en partant de la trilogie non-action, l’action aurait été possible et devoir d’agir. Ensuite, évidemment, comme toujours en droit pénal, cela se complique… Il y a les délits d’omission proprement dits et improprement dits, des critiques contre le fait que cette notion figure dans la partie générale, et autres joyeusetés selon que le délit considéré est formel ou matériel.  

Mais pour le praticien, cet ouvrage donne une vue claire de ces suites de notions qui sont nécessaires pour apprécier correctement l’omission. Et surtout son point de départ dans la partie générale. Il analyse ensuite la casuistique avec des exemples dont le premier, peu charmant mais définitivement pénal, est effectivement exemplatif : le conducteur d’une voiture dont deux passagers en étranglent le troisième ! Plus communément, l’ouvrage explicite la distinction à faire entre les cas où l’auteur a une position de garant, ceux où il y a un devoir, ceux où il y a un danger, ou ceux dans lesquels l’auteur a créé lui-même le danger. Il explicite la distinction entre les cas où l’obligation résulte d’une position de garant ou d’un contrat. Il livre encore une analyse détaillée de l’arrêt du Tribunal fédéral ayant admis la commission d’un blanchiment par omission. Exemple s’il en est que cette notion ne se limite pas aux situations de danger physique. Cela est évidemment effrayant pour tous ceux qui ont un devoir professionnel d’effectuer certaines tâches dont l’omission peut permettre à un crime d’être commis. Idem d’agissant du faux dans les titres par omission, aussi dans le contexte de la lutte contre le blanchiment – exemple également effrayant par la responsabilité qu’il place sur les épaules de quelqu’un qui n’aura pas fait modifié un document. Rassurez-vous, l’auteur consacre un chapitre à la commission par omission par négligence ? Pas tant lorsque l’on voit que la notion ressortit à une controverse quant à savoir si elle participe de la faute ou de l’intention. Bref tout cela est très compliqué, finalement assez casuistique, et les deux arrêts précités ayant plutôt servi de laboratoire à ces notions. A lire ou à avoir.