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Produits structurés : Come on, let’s class action

Bon eh bien ça brasse toujours cette crise financière ! Mais bien naturellement. Dans son discours [1] à la Journée des banquiers, Pierre Mirabaud, par la métaphore qu’en matière de football, il y avait 7 millions d’entraîneur de la Nati dans le pays, a exprimé qu’il appartenait aux conseils d’administration, élus par les actionnaires, de prendre leurs responsabilités – et non aux journalistes, lecteurs de journaux ou politiciens, bref au « Café du Commerce », de se muer en stratèges bancaires. Au fond oui et non. Juste que les dirigeants prennent leur responsabilité en période de crise et certains l’on fait. Hum avec la référence aux conseils d’administration « élus par les actionnaires ». En l’état du système suisse et de la manière dont se déroulent les AG des grandes sociétés, le Conseil joue souvent sa propre carte contre l’AG et en bénéficiant des dilutions et autres règles protectrices qui font que la « démocratie actionnariale » n’est pas encore ou franchement efficace en Suisse. Les conseils d’administration doivent prendre leurs responsabilités – mais précisément lorsqu’ils ont tout de même failli. Quant au Café du Commerce, tout le monde y va certes de son couplet sans être administrateur de banque – mais c’est bien parce que chacun est touché, soit parce que la Suisse dépend de manière générale du secteur, soit parce que chacun possédait, ne serait-ce qu’au travers de sa LPP, des titres bancaires.

Anyway, le sujet du jour est les produits structurés de Lehman Brothers, notamment ceux à capital garanti, que de nombreuses banques et gérants ont placés auprès de leurs clients. La révolte gronde, l’on parle de class actions même en Suisse, et l’incompréhension est grande. Ces produits ont été placés parfois agressivement dans des portefeuilles de clients non sophistiqués, sur la foi d’une sécurité totale – vu le capital garanti. Eh oui, en tant que tel, mais sauf le risque dit « de contrepartie » sur l’émetteur. Ce qui déplace en fait le débat sur la question de savoir si la banque ayant placé le produit était en faute de n’avoir escompté un risque de contrepartie concret sur Lehman Brothers. Pour certains, une faillite de Lehman Brothers doit être considérée comme un fait inimaginable, imprévisible, presque un cas de force majeure résultant des aléas de marchés – et donc exonérant de responsabilité. Pour d’autres, c’est moins simple que cela. Le risque de contrepartie des émetteurs de produits dérivés est un fait connu – même si d’aucuns ne voulaient le voir – et à plus forte raison que l’on peut sérieusement douter de ce que les grands émetteurs de ces produits aient eu une vision comptable consolidée et en temps réel de leurs expositions sur ces produits. Et sans compter leur propre exposition leverage sur les marchés de manière générale qui cause aujourd’hui leur perte ou leur distress.

La question de la responsabilité des banques et gérants ayant placé de ces produits auprès de leur clientèle sera donc vive. A cet égard, chacun y va de son couplet également sur l’absence de class actions « à l’américaine » en droit suisse, certains le regrettant et d’autres s’en rassurant. Les class actions et securities class actions sont en effet une véritable industrie aux Etats-Unis, avec leur ratio et leur moralité propre dans le système et la mentalité américains. Mais fondés sur la faute, son expiation et sa réparation, donc fondamentalement un acte de justice envers tous ceux en ayant souffert un dommage et qui ne pourront le réclamer individuellement. Les quelques dérives d’un système ne doivent donc pas être brandies pour en masquer la ratio et qu’il constitue non une agression mais un correctif – même si c’est évidemment hard ball pour les sociétés visées, lesquelles ont pour leur part des salariés, des actionnaires, d’autres créanciers. Ces événements actuels reposent donc la question opportunément et intelligemment s’agissant de la Suisse : est-il normal que l’acteur économique qui a par hypothèse commis une faute et causé un dommage échappe à l’obligation de réparer parce que ceux qui subissent le dommage sont nombreux, dilués, économiquement la partie faible – et devraient chacun individuellement recourir à un avocat, ouvrir action, payer des émoluments et faire instruire cent ou mille fois ce qui pourrait ne faire l’objet que d’un seul procès ? Poser la question est passablement y répondre. Come on, let’s class action.