Procédure civile : Le problématique arrêt 4A_309/2013 – et les mauvais dogmatismes du CPC

Posté le 24 mai, 2014 dans droit / law

L’arrêt 4A_309/2013 illustre les problèmes de form over substance que génère le CPC – et qui mènent à des injustices et créent in fine des obstacles à la réalisation du droit matériel. Or la procédure doit permettre cette réalisation du droit, pas l’entraver. Lorsque la procédure devient trop rigide, trop dogmatiquement formaliste, c’est essentiellement le demandeur qui en pâtit, au préjudice du défendeur qui est alors sauvé par… la procédure – alors qu’il devrait succomber. A ce titre l’arrêt concerné est dans le délai de temps entre l’entrée en vigueur du CPP et l’avènement judiciaire des problèmes qu’il crée. Dans cet arrêt rendu dans le contexte de l’affaire Madoff, alors qu’il était évident que le demandeur avait souffert un dommage infiniment supérieur à ses prétentions, elles ont été rejetées faute de preuve de son dommage, par une confirmation tierce selon les motifs. Les bilans du demandeur sont écartés au titre de preuve – alors qu’ils engagent pourtant la société et ceux qui les établissent s’ils sont faux. Le Tribunal fédéral se raccroche à sa notion habituelle de distinction entre le résultat de la gestion fautive et de la gestion hypothétique non-fautive. Faire cette analogie au soutien du motif de l’absence de preuve du dommage est absurde dans l’affaire Madoff, puisque les avoirs investis ont été volés. Quant à l’affirmation que cette affaire nécessitait vraisemblablement une expertise, elle renvoie précisément au problème de rigidité de la procédure sur lequel l’arrêt confirme la Cour cantonale.

La fiction contestable est ici celle que le litige est par hypothèse clair et complet dans la thèse du demandeur dès sa demande et ses déterminations en première instance – avec pour effet que tout doit y être dit et soulevé, et l’appel se limiter à la critique du jugement. Or cela est un dogme irréaliste et qui pénalise tout simplement injustement les demandeurs. Rien n’est plus faux. Un litige doit mûrir et respirer. Le contexte des parties, leur situation économique, leur accès aux preuves et aux témoins, évoluent, y compris en cours de procédure et, bien sûr, selon les arguments adverses. Et a fortiori vu la réticence des juridictions suisses à concrétiser également le plein et réel exercice du droit à la réplique. La limitation des possibilités de complètement ou d’adaptation, en appel mais même en première instance, et plus encore dans les cas d’une motivation différente de la décision d’appel, concrétise ce problème de form over substance qui rend plus difficile l’avènement de la solution qui est juste. En l’espèce, cette situation, combinée à une appréciation rigide des preuves à un stade auquel le complètement n’était plus possible, a conduit à un résultat totalement contraire à la réalité de fait – et rendu plus incompréhensible encore qu’il s’agissait d’appliquer l’art. 33 LCA qui abaisse le standard de preuve à la vraisemblance prépondérante.

De tout temps la procédure fait qu’un plaideur peut perdre une prétention fondée s’il n’en respecte pas une règle ou un principe. Ici le problème n’est pas dans ce principe, qui n’est pas contesté, mais réside dans la fixation de seuils trop élevés et d’autant plus injustes qu’ils ne sont nullement indispensables. De nombreux autres systèmes de procédure n’ont pas cette rigidité et fonctionnent très bien. Dans des cas particuliers dont celui-ci est probablement proche, ce dogmatisme du CPC pourrait bien constituer une violation de l’art. 6 CEDH.

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