Perquisitions chez les journalistes et procédure pénale : L’obligation implicite de « Miranda Warnings » sur la protection du secret et des sources et les moyens de s’y opposer

Posté le 27 août, 2013 dans droit / law

Ce qui se passe envers The Guardian dans l’affaire Snowden, ou envers un journaliste du Matin par les procureurs neuchâtelois Aubert & Aubert dans le cadre d’une affaire de plagiat à l’université de Neuchâtel (dont tout le monde se moque d’ailleurs éperdument), rappelle que les sources des journalistes sont récurremment l’objet de convoitises compréhensibles mais indues de la part des enquêteurs et magistrats, et dès lors d’une grande frustration. La justice et les autorités politiques genevoises n’avaient en rageant jamais pu identifier la fuite ayant permis à la Tribune de Genève de publier des photos d’Hannibal Khadafi menotté, entraînant les procédures et le psychodrame que l’on sait. Le Code de procédure pénale est pourtant clair sur le principe de la protection des sources des professionnels des médias (art. 172 – peut-être n’y a-t-il pas encore eu de séminaire juridique sur la question à Neuchâtel malgré l’hyperactivité de sa faculté de droit dans ce domaine) et la loi possède désormais une procédure protectrice de ce secret par la mise sous scellés de l’art. 248. Pour autant, l’attitude que doit adopter une personne visée par une perquisition n’est pas évidente – et commande un avertissement spécifique que doit lui donner l’autorité qui y procède.

Dans un arrêt 1B_320/2012 traduit à la SJ 2013 I 333, le Tribunal fédéral a clarifié la situation quant aux moyens dont dispose le titulaire des données qui s’oppose à leur perquisition et saisie en invoquant son droit au secret. Il ne doit pas former un recours, voie à laquelle il pourrait intuitivement penser, mais requérir la procédure de mise sous scellés. C’est dans le cadre de la procédure de levée des scellés que seront examinés les moyens juridiques invoqués pour s’opposer à la mesure. Référence faite à la procédure en matière d’entraide, la requête de mise sous scellés doit être formulée immédiatement par le détenteur des documents. Cela vaut également sous l’égide du CPP et que la perquisition et saisie ait lieu physiquement ou par invitation à dépôt. Le Tribunal fédéral justifie cette exigence d’immédiateté par le but d’empêcher l’autorité pénale de prendre connaissance du contenu des documents – mais ce qui appelle deux commentaires.

Premièrement, si le but de l’exigence d’immédiateté de la requête de mise sous scellés est d’empêcher l’autorité pénale de prendre connaissance des documents, il n’y a pas de raison de déchoir le titulaire qui n’y a pas pensé ou qui ne le savait pas de faire ultérieurement cette requête ou en tout cas dans un certain délai. Certes il y aura eu le désagrément que l’autorité pénale aura pris connaissance du contenu des documents – mais la situation voulue par le législateur de protection de ces données contre leur utilisation sera elle au moins sauvegardée par leur mise sous scellés puis par la décision de les en écarter si elles sont protégées. Deuxièmement, celui qui fait l’objet d’une perquisition et saisie physique et n’est pas assisté par un avocat ne pensera pas spontanément à la procédure de mise sous scellés – mais plutôt un recours pouvant être interjeté dans un certain délai, ce qui est la perception intuitive de la population pour contester une décision de l’autorité. Cela commande, ce que cet arrêt aurait opportunément pu préciser, que le détenteur soit spécifiquement informé de son droit de s’opposer à la perquisition et saisie, et que la voie légale est la requête de mise sous scellés. Il y a là une obligation implicite à charge de l’autorité car à défaut, elle peut tabler sur la carence du détenteur pour profiter de la déchéance résultant de l’exigence d’immédiateté – ce qui serait un comportement déloyal lui-même prohibé par l’art. 3 al. 2 let. a CPP.

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