Mort d’un avocat, celui d’Angela Davis – flashback

Posté le 6 mai, 2013 dans actu / news, avocats / advocacy

Vu par hasard dans le New-York Times de dimanche dernier : la mort de l’avocat californien Leo Branton Jr. à 91 ans. Le nom de Leo Branton Jr. ne dit sûrement rien à personne – mais celui d’Angela Davis peut-être. Il a été son avocat – dans l’Amérique des années 60-70 encore très maccarthiste. Et il l’a fait acquitter en 1972 du meurtre crapuleux et politique d’un juge par un jury entièrement blanc. Procès emblématique donc mettant en scène des personnages emblématiques. Angela Davis, activiste noire féministe et communiste, proche des Black Panthers, un groupe militant pour la libération des noirs par la violence. Elle fut renvoyée en 1969 d’un poste de chargée de cours en philosophie à l’University of California à Los Angeles après avoir exprimé des sympathies communistes – créant une polémique raciale. Elle fut accusée du kidnapping et meurtre du juge – ayant été tué avec une arme qu’elle avait achetée pendant une prise d’otage visant à libérer trois détenus noirs lors d’une audience. Sa fuite après son inculpation fut l’un des éléments du psychodrame. Son personnage était l’incarnation de la subversion, l’ennemi public et cible N° 1 du FBI de Hoover en pleine Guerre Froide et guerre du Vietnam. L’enjeu était donc de taille et se rapportant aux sujets de société les plus chauds de cette Amérique là : les noirs, le communisme, et la discrimination judiciaire – était-il possible qu’un noir ait un procès équitable. Suivi dans le monde entier, ce procès prouva que oui mais fut exemplaire et innovateur à d’autres titres. Mais son autre protagoniste, Leo Branton Jr., était lui-même aussi un personnage.

Vétéran noir de la seconde guerre mondiale ayant servi sous la ségrégation dans l’armée, il avait représenté Nat King Cole en 1958 pour récupérer ses droits d’auteur, mais aussi en 1952 des communistes californiens prônant le renversement du gouvernement par la force, puis des Black Panthers et d’une large manière des victimes – noires – d’abus policiers. Le procès d’Angela Davis se tient trois ans après l’assassinat de Martin Luther King. Il demeurera historique par son contexte et par l’acquittement prononcé, mais aussi par la manière par laquelle il y est arrivé, une préparation inédite pour l’époque : sélection du jury par l’analyse psychologique des jurés et experts pour décrédibiliser les témoins oculaires de l’accusation. Et une plaidoirie apparemment historique également, prenant à la fois dans l’histoire raciale et politique des Etats-Unis et dans le démontage minutieux du cas de l’accusation, et concluant par une photo d’Angela Davis enchainée et appelant à l’en libérer. Angela Davis est une icône mondiale de l’histoire contemporaine de ceux qui avaient quinze ans dans les années septante. Leo Branton Jr. je ne l’ai découvert que dans le New-York Times du 27 avril 2013 quarante et un ans plus tard. Et de se sentir petit en reposant le journal avec ses procès contre des banques qui roulent leurs clients, de se demander à qui et à quand remonte un grand avocat activiste en Suisse. Faut-il regretter qu’une société n’ait plus de grand procès politiques ? De grands activistes ? Est-ce une société qui a atteint sa maturité – ou au contraire muselé ses extrêmes minant ainsi la qualité de sa démocratie ?

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