Madoff est probablement aujourd’hui le plus célèbre – parce qu’ayant commis la fraude la plus importante de tous les temps. Paradoxalement il est l’escroc dont les victimes seront probablement les mieux indemnisées (cf. ce blog [1]). Il a pour autant de nombreux cousins pour des montants qui dépassent également l’entendement, mais dont les victimes, parce que des responsabilités tierces de prestataires de services solvables ne peuvent être mises en cause, n’auront pas cette chance. Ainsi si Madoff a commis une fraude à 20 milliards escroqués, Allen Stanford n’est pas en reste avec 8 milliards. Scott Rothstein, avocat de Floride en est à 1,2 milliard. Un autre Shapiro en est à 880 millions. Dans le cadre d’une opération directement destinées aux « Ponzi schemes », le DoJ a débusqué [2] depuis le 16 août 2010 532 affaires comptant 120’000 victimes pour 10,3 milliards escroqués. Ahurissant ? De prime abord – mais difficile d’évaluer la prévalence réelle de ces fraudes détectées – et de celles qui ne le sont pas – dans la première économie du monde. Le point est qu’elles existent, en permanence, avec toujours, depuis Charles Ponzi [3] au 19ème, les mêmes ingrédients. La Suisse n’est pas en reste, place financière importante, avec les Didier Piguet/Golden Lion, Steve Marcus/Norit et Gefipro, Bozon/Farwal et autres plus anciens Pinkas, Plumey, Cornfeld, Crisafulli/Financial Trust, Andreas Hafen/FC Wil, le boursier de Vuisternens, etc. etc. Quels sont ces ingrédients immuables ?
Primairement des promesses de rendements supérieurs au taux du marché monétaire, récurrents, sans risques. C’est toujours là l’appât de l’escroc. Viennent ensuite seulement le décor, une apparence de réussite, de richesse, des explications sur des investissements spéciaux, privilégiés. Les auteurs d’escroqueries de ce type sont généralement des hommes d’un âge établi dans leur carrière, inspirant confiance – et non de jeunes fous. Leur âge, réputation et prestance leur permet de disposer de pouvoirs individuels et/ou de n’être mis en cause par leurs subordonnés. Leur profil psychologique est en revanche celui de manipulateurs, parfois obscurs, mystérieux, souvent narcissiques et fondamentalement sociopathes. Il y a toujours dans l’entourage de ces escrocs de belles voitures, montres, yachts, maisons, avions privés. Souvent une implication dans le sport et les charities. Pour autant, tout financier qui dégage des bénéfices n’est naturellement pas un escroc. Mais les profits de celui-là s’expliquent par des paris sur les marchés, des politiques d’investissements, lisibles, apparents. Et surtout ils ne sont pas stables, récurrents et inexplicables – comme ceux du Ponzi schemer.
La réalité est ainsi incontournable et séculaire : chaque point de rendement au-dessus des rendements monétaires et obligataires correspond à une prise de risque rapidement non-linéaire. Et il n’existe aucun rendement récurrent supérieur à ces rendements de base qui ne soit i) explicable ii) par une prise de risque réelle et calculable. Toutes les victimes de ces escrocs le sont pour l’avoir oublié. Parfois le Ponzi schemer a à l’origine une activité de gestion licite et régulière. Pour masquer des pertes qu’il n’ose avouer à des clients, il prend alors à leur insu des positions plus spéculatives pour se refaire. Et compte-tenu de la prise de risque supérieure ne se refait jamais. Et/ou « emprunte » à un autre client à son insu de quoi se refaire pour ceux auxquels il a créé des pertes – et les rembourser ni vu ni connu. Il sait qu’il agit illicitement – mais avec la certitude, l’espoir qu’il se refera et ne causera pas de dommage. Mais ne se refait pas davantage. Et/ou « emprunte » à ses clients pour assurer son train de vie, son apparence, parfois avec l’intention de leur rembourser en s’étant refait, parfois pas même. Et ainsi débute le Ponzi scheme consistant à rembourser les uns, capital et/ou intérêts, avec l’argent des autres. A chaque évènement chacun se dit que cela ne se reproduira plus. Et cela se reproduit et se reproduira toujours par la simple logique et baisse de garde de l’appât du gain. Long live Mr. Ponzi.