Les délicatesses de Genève en matière de célérité – avec cette fois un délai imposé par le TF pour tenir l’audience de jugement

Posté le 22 janvier, 2012 dans droit / law, justice

Ce n’est un secret pour aucun acteur du monde judiciaire : le canton de Genève est en délicatesse quasi-permanente avec le principe de célérité en matière pénale. La jurisprudence cantonale ne sanctionne presque jamais les manquements des autorités cantonales en la matière; elle n’est dans son ensemble sur ce point de droit pas conforme aux réquisits de la CEDH. La jurisprudence du TF est elle un peu plus sévère – mais également et toujours moins que celle de la CEDH. Il y a donc un décalage concret entre le droit fondamental en cause, et sa jurisprudence d’application par la CourEDH, et son application concrète soit les délais réels dans lesquels la majorité des affaires sont tranchées. Et parce qu’aller jusqu’à la CourEDH étant un remède qui n’est pas praticable dans toutes les affaires où le principe est violé – ne serait-ce que parce que ladite Cour met elle-même quatre ans à trancher… C’est pourquoi aussi, ainsi que déjà commenté sur ce blog, les avocats renoncent trop souvent par dépit à plaider la violation du principe de célérité ou à en faire un moyen important de leur défense ou de leur recours. Récemment le TF s’est toutefois fâché sur le point du délai entre la clôture de l’instruction et l’audience de jugement. Dans l’arrêt 1B.684/2011 du 21 décembre 2011, il ordonne (sic) au Tribunal criminel de tenir celle-ci avant le 15 février 2012. Le considérant 3.2 est intéressant en tant qu’il balaie l’argument de la Cour qu’il fallait juger une série de protagonistes ensemble, cela justifiant un report. Le TF, pour partie parce qu’il avait déjà fait la constatation de la violation du principe de célérité dans cette affaire, évacue donc l’argument d’une saine et économique administration de la justice et de l’unité de la procédure, réaffirme la prééminence du principe de célérité.

Cela est bien car Genève a un vrai et gros problème en la matière. Et il le faut car le débat sur la violation du principe de célérité est souvent incomplet dans la mesure où si certaines juridictions reconnaissent parfois qu’il est violé lorsqu’il leur est devenu impossible de ne pas le dire, elles peinent encore largement à en tirer les conséquences de droit qui devraient en résulter. Ordonner la tenue d’une audience dans un délai donné est très bien. Mais parfois la violation ne peut être réparée ainsi – du simple fait que le temps écoulé est excessif. Et là les autorités suisses sont trop timides, trop protectrices de la répression, ne tirent pas suffisamment conséquence de la violation d’un principe du rang pourtant le plus élevé, et laquelle doit intervenir sur la peine et pouvant/devant aller jusqu’à entraîner son exemption. Pour l’avocat cela signifie se battre contre des éléments factuels mais érigés en prétextes – comme celui de juger plusieurs protagonistes ensemble dans l’arrêt 1B.684/2011 ou celui d’entendre encore un témoin x ou y de l’accusation détenu à l’étranger dans l’arrêt cantonal ACAS 51/11 – ce qui n’est pas facile. L’arrêt 1B.684/2011 est donc un réconfort bienvenu – mais à suivre.

imprimer cet article | Envoyer à un ami | Commentaires fermés sur Les délicatesses de Genève en matière de célérité – avec cette fois un délai imposé par le TF pour tenir l’audience de jugement | RSS

laisser une réponse