Chaque avocat qui reçoit un jugement qui est défavorable à son client est évidemment déçu. Son premier sentiment presque réflexe est que le juge s’est naturellement trompé – puisqu’il n’a pas suivi sa thèse. Et de penser de suite à Roy Bean [1], le célèbre juge texan du 19ème siècle immortalisé pour beaucoup d’entre-nous par Morris et Goscinny dans le Lucky Luke « Le Juge » – en 1959 déjà. Roy Bean juge autoritaire, fantasque et arbitraire dans un Texas encore au 19ème celui du far west – au sens non-géographique du terme. Or partout toujours en chaque juge sommeille un Roy Bean qui s’ignore, se connaît ou se reconnait. Notamment lorsque l’avocat reçoit un jugement défavorable. L’analyse d’un second temps, moins épidermique, fera le tour des motifs, en fonction également de l’audace ou de la force apparente de la thèse soutenue – et niée. Le juge peut avoir eu tort cependant. Une erreur moderne, technique, d’appréciation, comme une erreur plus brute ou plus arbitraire d’un Roy Bean. Le 20ème siècle a affiné les mécanismes de correction des voies de recours. Avec pour résultat, toutes choses étant relatives dans un monde en mouvement législatif perpétuel, une « bonne » sécurité et prévisibilité du droit, en common law sur base du précédent comme dans nos systèmes civilistes continentaux sur base d’une pluralité de sources dont la primauté de la loi. Tout cela est infiniment bien. Mais l’erreur demeure toujours possible. Même une erreur à la Roy Bean. Roy Bean n’est jamais totalement mort. Il suffit juste de s’en souvenir.