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Le nouvel arrêt du Tribunal fédéral sur les rétrocessions bancaires – la chasse est ouverte et plus sérieusement

… et la chance des banques qu’il n’y ait pas de class actions en Suisse auquel cas ce serait la ruée sur l’Oklahoma ! Arrêt 4A.127 et 141/2012 [1] du 30 octobre 2012 ainsi largement commenté dans la presse [2] et par nombre d’avocats, fiduciaires et facultés [3] – compte-tenu de son immense impact sur le secteur financier, et finalement sur un modèle d’affaires problématique mais qui constituait un poste important de revenu pour banques et gérants. Et la Finma de sortir du bois la bouche en coeur comme la grêle après les vendanges avec une newsletter [4] du 26 novembre. Bref, beaucoup de politiquement correct dans l’exégèse de ce qui était dépeint jusqu’ici comme simplement « nécessitant un peu plus de transparence », et même un tir de protection des banques [5] – alors qu’il s’agit d’un tremblement de terre, de la brèche qui a finalement et enfin lâché sur une pratique qui constituait un vrai ripp-off de la part du secteur. Et Fitch de ne pas s’y tromper [6] que cela pèsera sur les résultats et le rating des banques suisses par le coup de canif dans les produits du PP et la back liability que cela peut représenter. Etonnant donc que tout le monde commente cela finalement de manière assez mesurée, technique, très suisse, en étant prudent sur les conséquences passées et futures – alors que redisons-le loud and clear : c’est un tremblement de terre et la digue qui a lâché ! Et étonnant donc que les avocats n’aient pas tout de suite pris des panneaux publicitaires sur les trams ou dans les journaux pour dire que, même sans class actions, venez chez moi récupérer ce qui vous a été pris. La chasse est ouverte et rightly so. Pourquoi ?

Parce que les clients se sont fait amputer la rentabilité ou la valeur d’actifs réelle des produits qui leur ont été vendus de montants injustifiables en termes de prestations – 1, 2, 3, parfois 4 et plus pour-cents pour un service qui ne les justifiait pas, qui n’avait ce coût réel ni pour la banque en tant que distributeur ni pour l’émetteur. Et qui correspondait en fait à la rémunération de la banque ou du gérant non pour servir son client mais pour apporter du capital confié à un émetteur. Là où le coût objectif réel en termes de prestations était de l’ordre de 20-30 points de base au maximum, les banques et gérants se sont vus rétrocéder jusqu’à dix fois cela par les émetteurs prenant eux aussi leur dîme au passage. Dans un environnement de rendements élevés, cela passait relativement inaperçu. Dans l’environnement actuel de taux bas, cette tonte injustifiable devenait apparente et empêchait que le produit vendu puisse la rembourser – sauf au prix d’une prise de risque qui en plus se réalise statistiquement en proportion. Très sérieusement donc, un conflit d’intérêt majeur entre le fait pour une banque ou un gérant d’apporter du capital, celui confié par son client, à un émetteur, et d’être payé pour cet apport un montant tuant toute rentabilité raisonnable du produit, et la fidélité première que doit pourtant par mandat la banque ou le gérant à son client. Conflit d’intérêts. Ce terme se lit ainsi enfin et clairement identifié dans l’arrêt. Et il était temps.

Le fait que de telles commissions/rétrocessions de placement/distribution, constituant un one-off, valaient plus que la moyenne du coût annuel du mandat de gestion discrétionnaire, prestation comportant un service professionnel continu nécessitant recherche et compétences, démontre bien qu’il s’agit de la rémunération, à se partager, de l’apport de capital à un émetteur, du prix que ce dernier est prêt à payer pour recevoir du capital – et donc en conflit avec les intérêts du client. Soit plutôt qu’un coût réel de prestation apportant une valeur ajoutée à celui-ci. Et, petit problème supplémentaire de taille, plus la commission que l’émetteur est prêt à payer pour cet apport de capital est élevée, plus son risque de crédit est lui-même élevé – et passant au client par le choix opéré par le banquier ou le gérant. Conflit d’intérêts et transparence sont des mêmes facettes du devoir de fidélité du mandat. Les prochaines étapes logiques et écrites sont ainsi non seulement l’apurement de ces pratiques cleptomanes, mais aussi au plan judiciaire l’indemnisation du dommage subi par des produits au-delà de la seule restitution des rétrocessions, et la constatation que les mêmes principes valent par identité complète de motifs pour le contrat de conseil/advisory. C’est indéniablement le sens du vent – et poussant vers des prestations de services financiers plus saines, plus éthiques et plus transparentes. Good then.