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Le foot rend fou, c’est bien connu. Siffler la Marseillaise et toute la France politique perd la boule

Alors l’hymne national français a été sifflé avant le match d’avant-hier France-Tunisie. Ce n’est pas nouveau. Ce n’est pas bien, stupide, anti-sportif, lamentable, irrespectueux du pays, de l’Etat, de la République, de ses habitants, véritablement choquant. Ok. La France a un passé colonial, des banlieues à problèmes, une fracture sociale, des émeutes graves, une relation complexe avec les Maghrébins, les français d’origine maghrébine, ses ressortissants musulmans, le racisme. Ok. Ce sont de vrais problèmes politiques, concrets, difficiles, pour les élus locaux, l’Etat central. Ok. Que l’on ne banalise pas cette violence en l’espèce verbale (siffler) dans les stades et qu’on la traite en amont, éducation civique et tout. Ok.

Mais que le Président et tous les Ministres et politiques y compris de gauche s’enflamment, que le Président convoque séance tenante le Président de la Fédération, que le Secrétaire d’Etat aux sports déclare que l’on n’organiserait plus de matches avec ces pays « pour en priver le public », que le Premier Ministre demande que les matches soient interrompus dans ce cas, que la Ministre des sports annonce que ce sera le cas, et que le Ministère de l’intérieur réclame des sanctions administratives d’interdiction de stade et des poursuites pour délit pénal d’outrage à l’hymne national, c’est un délire grave et inquiétant – en termes de libertés publiques et fondamentales précisément.

Toute cette overreaction et vouloir réprimer l’outrage vocal à l’hymne, c’est digne des dictatures d’antan, de la Palombie du Général Zantas, du San Theodoros du Général Alcazar ou du Général Tapioca, de Staline, de Mao et autres généreux démocrates. Que l’on s’entende bien : Respecter l’Etat, les valeurs républicaines, la nation, le respect tout court, ce sont de vraies valeurs, légitimes, à sauvegarder et promouvoir. Mais 1) c’est un problème d’amont et 2) siffler l’hymne est une liberté fondamentale et garantie par la CEDH au titre de la liberté d’expression. Que tout un monde politique l’oublie même à chaud, ou ne se pose pas même la question, c’est inquiétant. Je laisse de côté la sottise pratique de ces mesures. Annuler le match et renvoyer 50’000 personnes dans la rue, c’est assurer le bain de sang et donner raison et pouvoir aux fauteurs. Quant à les poursuivre dans le respect du droit et de la charge de la preuve, bien du plaisir et autant conserver le stade la nuit pour la détention provisoire des milliers de prévenus et le lendemain comme Tribunal des flagrants délits – et mobiliser cinq cent juges et deux mille avocats pour la circonstance.    

Pourtant, lors de l’adoption de cette loi pénale d’outrage à l’hymne, le Conseil constitutionnel français l’a considérée [1] conforme à la Constitution et aux libertés. A mon avis, et sans avoir fait la recherche complète ce soir, ce n’est cependant vraiment pas gagné devant la Cour Européenne des Droits de l’Homme (l’arrêt Handyside de 1976 ?)…