Le désuet charme protectionniste de l’Ordre des avocats vaudois – de malheureuses directives sur la publicité contraires au droit sur de nombreux points

Posté le 23 septembre, 2012 dans avocats / advocacy

Le Barreau vaudois a toujours été très protectionniste – et les mauvaises habitudes ne se perdent pas. Il a longtemps été considéré dans la plupart des Barreaux que les avocats ne pouvaient pas faire de publicité, que c’était contraire à leur dignité, et s’agissant d’une profession qui fait commerce des ennuis ou du besoin de conseil et de protection d’autrui. Ainsi ceux qui passaient dans le journal étaient-ils même (à Genève) sanctionnés – d’une manière très à géométrie variable, entendez par-là selon les copinages, les amitiés ordinales et in fine à la tête du client. Puis vinrent les médias et moyens de communication électroniques, et le droit de la concurrence – qui vise l’intérêt du consommateur et non des corporations, tant en termes de coût/prix que de transparence et d’information. Les avocats ont de la peine à se faire à l’évidence : la publicité et leur médiatisation sont licites pour eux comme pour tout autre secteur économique. Fini l’avocat auquel le chaland venait par contacts et bouche à oreille d’une réputation réelle ou présumée – sans qu’il ne se vende ou promeuve d’aucune manière. Puis vint la LLCA, destinée en premier lieu à uniformiser le marché compte-tenu des accords bilatéraux et du concept économique de marché intérieur. Et qui n’est donc que de manière détournée une loi sur la profession d’avocat.

Pot commun du noyau des règles professionnelles des lois cantonales sur la profession et des usages des Barreaux, elle a ainsi tout de même largement unifié et balisé les conditions de pratique en Suisse. Ce à quoi lesdits Barreaux ont raccroché par leur association faîtière un Code suisse de déontologie – dont la portée propre ou seulement interprétative de la LLCA reste mal définie. Attachés que nous soyons au fédéralisme, que les usages changent tous les cinquante kilomètres n’est plus justifiable. Cela est préjudiciable à l’activité économique de l’avocat et au consommateur – à l’heure ou un avocat madrilène, roumain ou même pire genevois peut exercer librement à Lausanne, Bumpliz ou Coire. Les directives du Barreau vaudois en matière de publicité de mars 2012, au motif « d’expliciter » l’art. 12 LLCA, sont touchantes – mais indues. Sept pages pour « expliciter » l’art. 12 LLCA ! – cette démarche déjà peu légitime rate donc la cible à deux titres. Premièrement, les avocats circulent et il faut supprimer la cacophonie d’usages différents d’un village à l’autre. Elle est réelle puisqu’un avocat est soumis à la LLCA, à sa loi cantonale, aux usages de son Barreau avec ses circulaires de clocher, au CSD, au Code de déontologie du CCBE, de la Fédération des Barreaux d’Europe, etc. etc. Soit au minimum quatre textes pour régir les même usages – alors qu’il faudrait simplifier et uniformiser les règles dont le noyau dur est relativement commun dans les Barreaux d’Europe.

Deuxièmement, ces règles associatives, qui ne s’appliqueront qu’à une poignée en acceptant le sens, sont largement contraires au droit positif. L’exigence de l’art. 12 LLCA que la publicité se limite à des faits objectifs ne dit rien de plus que la LCD. Qu’elle satisfasse l’intérêt général est une clause bateau réminiscence d’usages restrictifs et protectionnistes, tellement indéterminée qu’elle est en fait inapplicable. Celle de l’art. 16 CSD est tout aussi bateau : respecter le secret professionnel et être véridique – ce qui sont déjà des devoirs fixés par d’autres lois. L’avocat en Suisse comme à Lausanne peut faire toute la publicité qu’il veut – dans la limite in fine de la LCD laquelle suffit et est le standard pour tous les acteurs économiques. C’est l’intérêt du consommateur au sens du droit de la concurrence. C’est la liberté économique de l’avocat. Il a le droit d’acheter des pop-ups sur Google pour faire sortir sa publicité quand un internaute cherche l’adresse du tribunal ou d’un concurrent. Il a le droit de mettre son nom autour d’un terrain de foot, de distribuer des flyers, de s’afficher sur un tram ou un bus, de faire un TV spot. Que cela soit souhaitable ou que chacun apprécie ou non (cf. ici ou ici) selon sa sensibilité d’avocat est une autre question – mais la circulaire vaudoise est ainsi à côté sur nombre de points. En quoi ne serait-il pas « tolérable » qu’un avocat affiche qu’il est député de tel parti ou organe de telle ou telle société, fait réel et public ? C’est au contraire dans l’intérêt du client de le savoir – s’il ne le sait pas. L’art. 2.4 est tout aussi critiquable – un spécialiste FSA n’est qu’un spécialiste… FSA – et d’autres peuvent être autrement spécialistes et respecter l’obligation de véracité. Bref, rétrograde, maladroit et inutile.

une réponse à “ Le désuet charme protectionniste de l’Ordre des avocats vaudois – de malheureuses directives sur la publicité contraires au droit sur de nombreux points ”

  1. Le 2.11 n’est pas mal aussi : « il est donc prohibé de faire installer par des tiers des liens hypertextes vers des études d’avocat ». Vu le nombre d’avocats vaudois qui ont acheté des prestations SEO, la règle ne doit pas être très suivie…

    Quant au 2.13, sur AdWords, il prend carrément le public pour moins que rien. Les publicités sont affichées sur un fond de couleur et la mention « Annonces » y figure en bonne place. Le justificatif est de plus bidon : qui peut m’empêcher d’acheter une annonce avec mon propre nom ? A teneur de la directive, je ne pourrais même pas le faire !

    C’est dommage : il y avait des choses tellement intéressantes à discuter. Encourager les indépendants à se différencier, leur expliquer comment concurrencer grâce à Internet des études plus grandes (si, si, c’est parfaitement possible), leur présenter de (vrais) mandataires qualifiés dans le domaine, etc. Les rares jeunes qui se lancent en tant qu’indépendants ont besoin de ces connaissances pour survivre.

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