Le déserteur de Goldman Sachs – dégoût et coup d’éclat contre forteresse crainte et mal aimée

Posté le 16 mars, 2012 dans finance / eco

De New-York où Wall Street et la forteresse Goldman prennent un nouveau coup de pied : un trader middle management a démissionné après douze ans de maison avec un certain fracas soit par la publication le jour même dans le NY Times d’un op ed (opinion editorial) exposant son dégoût pour une firme et une culture visant à rouler (ripping off) les clients à son profit. Dans la suite du bail out de Wall Street par l’Etat, le dégoût de Wall Street et du fait que rien ne semble avoir changé dans les mœurs de la finance ayant amené l’Amérique au bord du gouffre est obviously très à vif. Le fait que cela arrive à Goldman, forteresse arrogante et puissante, icône de cette finance à qui tout réussit – sur le dos des autres acteurs – est évidemment révélateur et emblématique. Laissons ainsi les commentaires sans réel intérêt ou pertinence : que ce type est un traître, que Wall Street a les coudes serrés de sorte qu’il ne retrouvera jamais de travail, que le linge sale se lave en famille, que cela n’est pas significatif des valeurs de Goldman selon son communiqué officiel, que la loi du silence a la vie dure, les tous pourris ou que ce trader est un idéaliste déçu et isolé. Plus pertinent celui que Goldman s’interroge en interne sur sa réputation et celui qu’il y a un réel intérêt public à cette révélation. Ou encore que 41% des américains n’ont pas confiance dans les banques et conseillers en investissements (mais pire encore pour les avocats paraît-il !). Mais l’essentiel est ailleurs.

La vraie question du débat est toujours la conjonction de celle du conflit d’intérêts et de ses frontières et de l’information due au client en lien avec les conditions économiques du service rendu. Face à des critiques telles que celles de ce déserteur quand elles surviennent, certains opérateurs sont incrédules : ces situations sont inhérentes au marché et le client doit comprendre lui-même et par lui-même tous les paris d’un produit, le sien comme celui de sa banque ou conseiller. Ces opérateurs n’ont-ils pas saisi la dimension éthique, de level playing field et de fairness qui doit régner sur les marchés pour qu’ils aient la confiance du public ? Ou ces critiques n’ont-elles au contraire pas saisi une donnée des marchés, une composante de leur fonctionnement et de leur réalité ? Ces considérations relatives aux marchés et à leur fonctionnement peuvent être retournées dans tous les sens mais ne résolvent pas le problème. Dans toutes les professions de services et de courtage, du banquier/conseiller en placements à l’agent de voyages au courtier immobilier, a fortiori lorsque le mandataire traite aussi et par ailleurs pour compte-propre, la notion de conflit d’intérêts est centrale dès lors que le mandat implique un devoir fondamental de fidélité envers le client et ses intérêts. Or par définition le mandataire veut/doit/peut aussi gagner sa vie.

L’arbitrage entre ces deux objectifs légitimes, servir les intérêts du client et gagner sa vie pour ses services, ne peut donc avoir lieu que sous l’angle de la notion de conflit – raison pour laquelle tout le droit des marchés devrait être refondu autour de cette notion. Le mandataire a droit à être rémunéré s’il vend au client un pari comportant un risque. Le conflit survient en revanche lorsque le mandataire acquiert sa rémunération par un service qui ne sert pas les intérêts du client, lorsque à cette fin l’information donnée est incomplète, ou pire lorsque le mandataire parie contre son client ou bénéficie par ailleurs du service fourni. Comme toujours dans ce débat des opinions de traverse surviennent – comme celle récurrente par exemple en matière d’opérations d’initiés qu’elles bénéficient aux opérateurs non-initiés par les inflexions de cours qu’elles provoquent. Ce qui n’est naturellement pas justifiable même si l’effet mécanique est juste. Ici le commentaire de traverse est que celui qui bénéficie des deux côtés de l’opération est celui qui la fait réussir parce qu’il y a ce double-intérêt – et que ce qui compte pour le client est que le deal se fasse. Intéressant parce que symptomatique. Le déserteur, dont le nom est BTW Greg Smith, aspire de ses vœux que Goldman remette le client au centre de ses préoccupations. Et qu’elle arrête de lui vendre systématiquement ce qui lui rapporte le plus à elle. Air connu pas seulement à Wall Street…

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