Le Delaware place judiciaire – comme la Suisse ? Madoff et Stanford : Cela arrivera à la Finma et autres – et pourquoi la SEC se venge sur Goldman

Posté le 25 avril, 2010 dans finance / eco

Le Delaware est décrié par certains pour être une horrible place off-shore on-shore opaque et échappant hypocritement et injustement aux attaques de l’UE, des Etats-Unis et de l’OCDE contre les paradis fiscaux, le secret bancaire, la Suisse et les autres places financières le pratiquant. Le Delaware est pourtant aussi une place judiciaire. Au plan interne aux Etats-Unis, du fait de son régime fiscal favorable aux sociétés holdings, plus d’une moitié des Fortune 500 companies y règlent leurs litiges internes, d’actionnariat et de fusions et acquisitions. C’est évidemment profitable aux avocats pratiquant une activité judiciaire – comme ces activités corporate et off-shore sont favorables de manière générale aux professions de services. Encore faut-il que le système judiciaire soit fiable et compétent – ce qui semble être le cas. La Suisse est également une telle place judiciaire réglant des litiges internationaux, de particuliers étrangers non-résidents décédant en laissant une fortune en banque aux multinationales possédant leur siège en Suisse. La Suisse pourrait être encore plus attractive en tant que for élu neutre civil et commercial non-arbitral. La lenteur des procédures dans la plupart des cantons reste un frein à de plus amples telles élections de for, et de droit. Affaires Madoff et Stanford ($ 8 mia de fraude tout de même pour cette dernière – moins souvent évoquée en Suisse vu qu’elle n’y a pas fait de victimes), de telles mésaventures arriveront également nécessairement à la Finma et autres autorités de surveillance européennes.

Les fautes, lacunes et absences de la SEC dans l’affaire Madoff ont été admises, confessées et disséquées dans un (remarquable) rapport public. Ses fautes dans l’affaire Stanford également même si cela a moins largement été commenté – alors qu’elles y sont plus graves encore car elle s’est intéressée à cette opération bien folklorique depuis 2005, en passant à coté de signaux d’alarmes pour de pures raisons de mauvaise organisation et de mauvaises procédures internes. La SEC a promis de se réorganiser en conséquence mais de telles fraudes se reproduiront et passeront encore et toujours entre le mailles du filet. Cela parce qu’il ne sera jamais adéquatement resserré. C’est en réalité là une question d’approche. Les régulateurs financiers et bancaires n’ont ni les ressources ni la formation ni les compétences pour détecter deux catégories de problèmes qui minent les marchés : les fraudes et les abus de marchés. Leur approche est purement réglementaire et repose largement sur le self-reporting et sur le contrôle par les réviseurs des données financières produites par les institutions elles-mêmes. Leurs contrôles sont très formels, organisationnels, mais rarement opérationnels. De fait il y a en Suisse de nombreuses fraudes dans le domaine bancaire ou des gérants externes, plusieurs par années portant sur des millions, dizaines de millions, parfois plus. Elles n’ont heureusement jamais pour l’instant atteint l’ampleur des affaires Madoff et Stanford. Les auteurs sont presque toujours identifiés et poursuivis pénalement – mais le point est qu’elles sont commises et ne sont pas détectées jusqu’à ce que le dommage se produise, et notamment pas par les autorités de surveillance. Lorsqu’elles sont commises au sein de banques, elles sont absorbées financièrement par celles-ci. Mais malheureusement pas lorsqu’elles se produisent au sein ou du fait de gérants externes.

S’agissant des abus de marchés, la situation est la même : les autorités de surveillance n’ont ni les compétences ni les ressources pour les détecter. Elles n’ont pas les compétences pour apprécier le fonctionnement de tous les marchés secondaires et OTC, ni tous les produits conçus ni même leurs implications bilantielles pour leurs émetteurs ou leurs acquéreurs. De fait le nombre de poursuites pénales ou administratives pour des abus de marchés est en Suisse et en Europe de manière générale statistiquement insignifiant. Et ainsi sans rapport avec ce qui se passe réellement sur les marchés. Ce qui est réel problème. Aux Etats-Unis la situation est a post sensiblement différente puisque de nombreux opérateurs ont dû, sous la pression de plaintes civiles ou pénales, rembourser à leurs investisseurs (en centaines de millions) les pertes générées par de tels produits structurés. La SEC, pour revenir à elle, tente de redorer son blason en tombant sur une victime assez facile, solvable, expiatoire et à portée de main : Goldman Sachs. C’est évidemment un peu « salaud » car Goldman est un opérateur légitime contrairement à Stanford et Madoff, même s’il a été récemment accusé de faire de l’argent sur le dos des misères des marchés, de la crise, du bail out des banques, de la pauvre Grèce, bref sur à peu près tout. Le sujet est pourtant un absolument vrai sujet en termes de marchés soit à nouveau i) les risques d’un produit structuré complexe et ii) les informations non-révélées à la clientèle relativement aux parties ayant un intérêt propre dans le produit. La SEC n’a cette fois pas offert au « contrevenant » de pouvoir négocier un « settlement » des civil fraud charges introduites en justice. C’est peut-être aussi un peu rude, surtout envers ce qui reste un vrai fleuron de la finance mondiale, et un effet de communication externe – mais les faits n’en demeurent pas moins.

imprimer cet article | Envoyer à un ami | Commentaires fermés sur Le Delaware place judiciaire – comme la Suisse ? Madoff et Stanford : Cela arrivera à la Finma et autres – et pourquoi la SEC se venge sur Goldman | RSS

laisser une réponse