L’Amérique, l’Amérique…

Posté le 20 juillet, 2014 dans droit / law

Au-delà du USA-bashing primaire de bon ton chez nous, le système juridique américain recèle des perles mais surtout donne le ton dans nombre de matières. Et surtout se révèle toujours très libertaire. Quelques trucs amusants ou plus sérieux dans les glânures récentes. Ainsi la NSA avait-elle ouvert action contre un fabricant de T-shirts, tasses et autres qui se moquait de l’agence, au motif de la protection de ses sigles et logos. Elle a retiré son action – le fabricant n’ayant pas entendu usurper ces marques et le droit de se rire du gouvernement étant garanti par le 1er Amendement. Plus sérieusement, le chef de ladite NSA a assuré l’American Bar Association que le secret professionnel de l’avocat était respecté dans le cadre des missions légales de surveillance de l’agence. Nous voilà rassurés… Plus trivialement, quelques consommateurs ont attaqué un fabricant de yaourt grec au motif qu’ils… n’avaient rien de grec. Celui-ci s’est défendu en arguant que les French fries n’étaient pas faites en France non plus, ni les English muffins en Angleterre, et la demande d’être déboutée. La Cour Suprême a jugé 5-4 qu’une municipalité ne violait pas la Constitution en commençant ses séances par une prière, que cela ne contraignait pas les citoyens non-chrétiens mais qu’au contraire, c’est l’interdire qui violerait la liberté religieuse. Les motifs sont intéressants – comme pour tout ce qui touche au religieux -, les juges dissidents considérant que cela viole l’obligation de neutralité et d’égalité de l’Etat envers toutes les religions.

Au plan du whistleblowing, un employé de JPMorgan ayant dénoncé des acceptations de prêts ne remplissant pas les conditions légales a permis au gouvernement d’encaisser 614 millions de la banque – et d’avoir droit à sa récompense de… 64 millions. Le whistleblowing n’est pas un événement marginal : il a permis au gouvernement d’encaisser 3,8 milliards d’amendes et condamnations rien qu’en 2013. Et ce qui démontre tout le mal qui se passe dans les grands acteurs de l’économie s’il n’y a personne to blow the whistle. Corollaire, une première amende de 2,2 millions vient d’être prononcée par la SEC contre une société ayant procédé à un congé-retaliation contre un whistleblower. On ne plaisante visiblement pas avec ça – et une première donc pour des lois entrées en vigueur en 2011-2012. Pour revenir au droit de la concurrence, et plus amusant, un fabricant de dentifrice alternatif s’est fait tomber dessus par l’éléphant Procter pour avoir stipulé improprement que son produit était 99% naturel. Face aux majors d’un marché domestique des soins buccaux pesant 7 milliards par an, les petits tentant de s’y introduire ont intérêt à marcher droit. Hello s’est résolue à accepter une injonction de ne plus les vendre ainsi étiquetés – mais a donc donné les 100’000 tubes en stock dans la rue à New-York, lui valant un buzz marketing d’une valeur infiniment supérieure à leur prix de revient. Et pour finir avec les marques, l’équipe des Washington Redskins, dont le logo est une… belle tête d’indien, s’est vue retirer sa marque dès lors que le nom est offensant pour les… indiens. A suivre en appel évidemment. Dans l’intervalle certains médias et juges ont cessé de faire référence à eux comme les Redskins.

Les libertés encore pour terminer. Une chaine de magasins a le droit de ne pas respecter un décret fédéral obligeant de vendre des contraceptifs pour des raisons religieuses. Dixit la Cour Suprême, une fois encore 5-4. Créer une zone interdite de 12 mètres autour des cliniques pour les manifestants anti-avortement viole de même la liberté d’expression du 1er Amendement. La Cour Suprême de l’Etat de New-York vient d’annuler, toujours pour cette raison, un décret municipal anti-dénigrement sur Internet (cf. ce blog). La Cour Suprême, dans une décision très attendue, vient de dire que la police a toujours besoin d’un mandat pour examiner le contenu du téléphone portable d’un suspect. La Cour fait une analogie directe avec la perquisition domiciliaire en soulignant que de nos jours, il y a souvent plus de données personnelles dans un smartphone qu’à la maison. La Cour relève qu’à défaut, il y aurait toujours un motif quelconque de fouiller l’entier du contenu du téléphone d’une personne, donnant accès à des informations sans lien avec l’infraction suspectée. La Cour admet et accepte que c’est un désagrément dans la lutte contre la criminalité, laquelle opère largement par téléphone. Mais comme l’a dit le juge Roberts, « Privacy comes at a cost » – et bien d’autres pays n’ont pas cette sollicitude pour la sphère privée. That’s all folks.

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