
LA DOUBLE-PEINE DE L’ABSENCE DE VRAIE DÉMOCRATIE ACTIONNARIALE
Une société appartient à ses actionnaires, sa direction la gère, son administration la dirige et ses actionnaires votent sur ce qui leur est réservé par la loi et les statuts. C’est simple, juste et carré ? Rien à dire ni grand contentieux ? Le problème est déjà établi que les actionnaires d’une grande société cotée n’ont aucun impact sur ses orientations. Qu’elles sont laissées à un management et à une administration cooptés entre pairs. Leurs « droits sociaux » sont sans réelle substance. Ils ont juste des droits patrimoniaux et celui de vendre s’ils sont mécontents. Le management et l’administration profitent de la dilution d’un actionnariat qui ne vote majoritairement pas. Que certains fonds de pensions votent de manière plus délibérée n’y change rien : ils votent et doivent voter dans l’intérêt économique de leurs pensionnés. Soit sans grand égard pour le critère moral. Les fonds activistes votent dans leur intérêt économique, comme les banques votant par procuration. Et les fonds « éthiques » n’ont qu’une influence dérisoire. Pour quel constat alors ?
Que c’est uniquement un dysfonctionnement de la démocratie actionnariale, qui ne ressortit donc qu’au droit des sociétés ? Non. L’activité des sociétés cotées est dictée exclusivement par l’intérêt économique qu’elles rapportent – dont à leur management. Cet intérêt est par vocation uniquement financier et court-termiste. Si la loi ou une pression du marché (qui n’est que rarement donnée dans une logique de marché) ne l’oblige, il ne prend jamais en compte le critère moral et durable. Ces géants sont donc gouvernés d’une manière qui ne reflète pas la volonté, ni la palette d’opinions, de ceux qui en sont les réels et ultimes propriétaires. Ceci est grave en soi – mais plus encore parce que cela en a fait un problème systémique global qui est l’une, sinon la cause majeure, de l’état écologique du monde. Ces géants distordent ensuite, avec leurs moyens, la démocratie politique – avec pour effet que la société civile, et la planète, en subissent une double-peine. Il n’y a pas grand remède – à part élire des politiciens réellement immunes à la pression des cercles de pouvoir économique. Il n’y en a pas beaucoup…