Procédure suite : L’avocat ne doit pas mélanger le fait et le droit – mais le juge le peut, et les downsides de la e-discovery

Posté le 15 janvier, 2011 dans droit / law

L’avocat doit en procédure civile suisse, encore plus qu’en feue la procédure genevoise, plus flexible ou appliquée plus libéralement, sérier scrupuleusement le fait et le droit. C’est dans la logique d’un système qui postule l’allégation du fait, puis son établissement par le jeu de la contestation et de la preuve, pour appliquer ensuite le droit à l’état de fait retenu à compter des allégués de chacune des parties – et celui-là seul. Ce dogme constitue la règle et certains juges dans certains cantons sont tatillons sinon adeptes d’un formalisme excessif. Ce dogme n’est toutefois pas absolu puisque dans d’autres systèmes, notamment aux Etats-Unis, le fait et le droit sont exposés concomitamment, moyen par moyen, l’instruction des faits étant largement plus libre et dans les contours de chaque moyen invoqué. Et la justice n’y est pas moins bien rendue. Le juge doit ainsi, chez nous, logiquement, motiver également en fait et en droit. Et l’exigence de motivation participe du droit fondamental d’être entendu. Or de plus en plus fréquemment, par commodité ou pour expédier, des jugements, y compris certains arrêts du Tribunal fédéral, ne comportent une partie en fait que superficielle, résumée à l’excès, ne rappelant que dans l’ensemble les faits de chacune des parties. Mais sans trancher réellement en fait, c’est-à-dire exposer lesquels des faits des parties sont admis ou écartés.

Selon deux arrêts de 2010, 4A.231/2010 in SJ 2010 p. 497 (c. 2.2) et 4.A 47/2010 in ATF 136 III 186 et SJ 2010 p. 393, le TF renonce pourtant à sanctionner un défaut de motivation en fait contraire à l’art. 112 al. 3 LTF lorsque la décision attaquée discute le fait dans ses considérants en droit d’une manière suffisante. Le TF le justifie dans le second arrêt par l’art. 105 LTF – la référence aux faits inférieurs, peu importe finalement où ils se trouvent dans la décision attaquée. L’idée de l’économie d’un renvoi à l’autorité inférieure se comprend – mais il s’agit-là de deux poids deux mesures par rapport aux exigences faites aux parties, et donc aux avocats. Un petit mot sur la discovery anglo-saxonne, le cauchemar de la discovery pour une majorité de juristes continentaux. Deux systèmes radicalement opposés, le nôtre dans lequel chacun apporte en principe les preuves qu’il détient, le leur dans lequel chacun peut exiger de l’adversaire les preuves qu’il détient jusqu’à la dernière goutte – et qui devient une guerre dans la guerre (cf. ce blog du 30 décembre). Mais deux systèmes intéressants à voir vivre et à pratiquer en parallèle. La discovery électronique était vue comme un immense progrès, par le handling et le tri électronique qui allaient dispenser de passer en revue et lire des milliers de pages papier. La paper shower électronique ne semble valoir guère mieux que celle en papier et ne s’affirme pas comme la panacée – mais virant même comme au cauchemar électronique menant à des sanctions pour défaut dans le tri et dans l’obligation spécifique de conservation des archives électroniques. Peu joyeux et à suivre…

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