Nouvelle année : Un peu de futurologie du droit, des avocats et de la justice

Posté le 2 janvier, 2011 dans droit / law, justice

Chaque année à même époque, des futurologues donnent leurs prévisions sur l’évolution du monde, de la société, de l’économie, et surtout désormais de l’interaction des technologies avec la vie pratique et la santé. L’homme ayant une propension biologique à vivre dans le présent, l’intérêt pour ces prévisions est relatif. Il n’y en a jamais en matière juridique et l’application du droit se fait encore selon un mode, un processus datant plus du 19ème siècle que du 21ème. Que dire donc du futur du droit et de la justice ? Il y a tant de lois que nul n’est à l’abri d’être pendu – disait déjà Napoléon. Aux Etats-Unis le droit est devenu si ample et si complexe qu’il y a une préoccupation que des honnêtes gens sont à leur insu en contravention de règles qu’ils ignorent et ne peuvent connaître – sauf à être juristes. L’hypertrophie législative est un fait. Est-elle dangereuse ? Faut-il suivre les initiatives en faveur de lois plus simples et moins nombreuses ? La précision par la loi, parce que voulue, crée une meilleure sécurité juridique que de laisser une part accrue à son interprétation et à la casuistique. Et aujourd’hui, le support numérique en permet un accès et la recherche avec une efficacité en compensant la complexité et l’inflation. Cela, et la circulation de l’information, contiennent également la nécessité de recourir à des prestataires de services juridiques. Et en Suisse, leur poids dans le PIB reste stable. Pour le reste, le futur juridique sera numérique, en termes de support de traitement puis à plus moyen terme d’industrialisation plus profonde des processus juridique et judiciaire. Pas bien spectaculaire comme prévision ? Oui mais comment ? Ou oui mais non ? Ci-après tout de même quelques explications et réflexions plus structurelles.

De 2002 à 2010, de 381’000 à 53 millions d’Ipods, de 3 millions à 130 millions de blogs et de 1 à 500 millions d’utilisateurs de Facebook. La vente en ligne dépasse les 50% dans certains secteurs comme le transport aérien. Personnages de l’année : Zuckerberg et Assange. Et ces exemples pourraient être multipliés à l’infini – mais pourquoi ceux-ci ? Ipod concentre des données sur un support portable dans des quantités exponentielles et connectable en tout temps au fournisseur de contenu. Facebook et les blogs sont de l’interaction, de l’échange entre humains – qui réfléchissent aussi, par les réseaux dont les capacités augmentent continuellement et exponentiellement. Certains y voient la création d’un brouillard, d’une overdose numérique qui paralysera ou endommagera l’intelligence humaine. Il faut au contraire y voir un support à son évolution, par l’augmentation de l’accessibilité du savoir et du traitement de l’information. Pour le droit et la justice, les choses ont à peine changé, bien moins que dans les autres secteurs. Le chirurgien diagnostique et opère avec des robots, la logistique industrielle est gérée par des programmes, le tout soutenu par de la puissances de calcul. L’avocat et le juge ont désormais une bureautique – traitement de texte, e-mails, classement électronique, et des bases de données – bger.ch, Swisslex, admin.ch, et bien sûr Google. Ces outils améliorent leur quotidien mais, globalement, ils travaillent de la même manière qu’en 1980, 1950, 1880. Le juge et l’avocat réfléchissent seuls, sur la base du droit qu’ils connaissent ou recherchent, et d’un dossier. Ce processus ne leur apparaît pas modifiable puisqu’il requiert la décision de l’homme – par opposition à la machine. Ils restent, solitaires, dans un bureau, avec des méthodes anachroniques. L’application du droit ne bénéficie ainsi que d’une infinitésimale partie des progrès des sciences numériques.

Les juristes y sont pour partie réfractaires, n’identifient aucune valeur ajoutée numérique. Aussi, la justice n’est pas capitalistique, et donc hors d’une logique de compétitivité qui la ferait évoluer logistiquement, et les avocats une profession libérale peu propice à une telle modernisation. Et de la sorte la justice est un service (public) dont la lenteur et l’absence d’évolution la fait rester assez seule sur le quai de ces évolutions. Elle en sera rapidement dans un tel décalage avec le reste de l’activité humaine et commerciale que cela entraînera un ras-le-bol – et l’intervention du législateur. La référence aux réseaux d’échanges et autres Ipods est fondée. L’homme est toujours plus intelligent à plusieurs et quand il accède plus vite à un plus vaste savoir. La justice, et sa rapidité, sont une condition cadre de la prospérité, de la paix, du bien-être social – devenus des droits. Les 90 heures moyennes de travail consacrées en cumulé par le juge et les avocats pour régler le sort d’un litige lambda ne seront plus réparties sur deux ans et demi – mais quelques mois, semaines voire jours. Le dossier, livré ficelé par les avocats, permettra directement le processus de décision. L’identification des problèmes de droit, l’analyse des preuves déterminantes et des témoignages recueillis en ligne, l’analyse des lois applicables et des solutions à la fois de principe et statistiques dans la jurisprudence, aura lieu numériquement et contextuellement. Le juge pourra se dédier à trancher, ce qui est son rôle, en ayant été délivré de la part de manutention ayant pu être industrialisée. Il pourra se concentrer sur la solution et veiller à ses qualité, adéquation, équité, justesse et humanité. L’avocat ne sera plus celui chez qui le client se rend dépité et méfiant, sachant que cela coûtera et durera. Mais chez qui il ira trouver une solution – et rapide. All for good and good for all!

une réponse à “ Nouvelle année : Un peu de futurologie du droit, des avocats et de la justice ”

  1. […] et administratif pour ceux dont les heurs et malheurs les amènent à y avoir recours (cf. ici et ici). Les ambitions de réforme et d’efficience sont limitées – par des bornes à […]

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