
Lenteur, rapidité et qualité – l’inévitable équation de la Justice (et de l’arbitrage) de demain
Comme souvent relevé ici, la lenteur de la Justice est l’une des raisons de sa détestation par beaucoup de citoyens. Et de son inadéquation au monde moderne, à l’attente de résolution de litiges placée en elle en tant que service public. Laissant à part ses lenteurs résultant de l’inefficacité structurelle, de manutention ou d’organisation, elle est confrontée à une équation dont les membres sont connus : rapidité contre qualité. Une Justice trop lente mais de bonne qualité n’est pas adéquate par le retard apporté à la résolution. Une Justice expéditive sert l’impératif de célérité mais au risque d’une qualité moindre. Le TF admet lui-même, dans son rapport de gestion 2009, qu’un certain manque de moyens, et l’obligation de célérité, empêchent même à son niveau un examen approfondi de toutes les causes. Quelques pistes ? Dans l’ancien règlement d’arbitrage de la Chambre de Commerce de Zurich, il y avait une procédure de « mini-trial » simplifiant l’instruction et fixant un délai pour la sentence. Malheureusement rarement utilisée et passée à la trappe lors de l’adoption des Swiss Rules of International Arbitration. Nous connaîtrons dès janvier la procédure pour les cas clairs dans le CPC, comme les français ont depuis longtemps le référé-provision, mais qui sont des situations distinctes. Comme New York et la Caroline du Sud, la Californie est pour sa part en passe d’adopter une Expedited Jury Trials Act qui semble enchanter tout le monde.
L’idée est-là non seulement de réduire la durée mais aussi le coût de la procédure. Les honoraires en sont facteur et l’objectif de réduire l’instruction qui étouffe sous de trop longues et trop nombreuses écritures et productions/requêtes de preuves. En bref, d’aller à l’essentiel ! Ce qui est le sens et le défi de la Justice de ce siècle. L’arbitrage n’est pas hors de péril non plus – comme également déjà évoqué ici. Aux Etats-Unis comme en Europe, des avocats renoncent désormais à des clauses arbitrales en raison des coûts, de la lenteur, bref de la guerre de tranchées qu’est également devenu l’arbitrage. Mais il y a peut-être un upside à tout cela tout de même. Une autre statistique américaine montre en effet que le nombre de cas à passer en civil (jury) trial a diminué de 11,5% en 1962 à 1,2% en 2009. Les explications possibles, dont certaines bonnes ou mauvaises ? Elles comprennent le coût et la lenteur bien sûr, qui détournent de la Justice ordinaire en faveur d’autres modes ou font renoncer les plaideurs. Mais aussi une meilleure protection de ses droits en amont, ou davantage de règlements transactionnels dans les matières dans lesquelles la jurisprudence rend l’issue prévisible. Gardons donc bien tout cela à l’esprit à l’heure où d’aucuns estiment que la nouvelle procédure pénale fédérale allongera encore les procédures, et où il n’est nullement certain que le nouveau CPC amène non plus de progrès sur ce plan en matière civile…