
UBS suite : Shareholder value, fonds propres et l’injonction directe de production de pièces à Miami dans l’affaire d’évasion fiscale
N’allez pas croire que j’en veuille à l’UBS ! J’ai certes écrit plusieurs articles dans ce blog mais parce que sa situation actuelle pose nombre de problèmes juridiques intéressants – ou que certaines de ses positions ou positions de son management sont discutables. Suite donc sur sa shareholder value/fonds propres et le vilain tour pris hier par la procédure pendante à Miami dans l’affaire d’évasion fiscale :
Sur ses fonds propres et sa shareholder value, il est intéressant de mettre en perspective le communiqué lénifiant de la CFB du 1er avril (cf. ce blog du 15 avril) et les déterminations de ces derniers jours notamment de la BNS appellant à une plus grande solidité financière et à une modification des règles et ratios de fonds propres concernés. Finalement, tout le monde semble à la fois se réveiller et voler complètement à vue face aux concentrations, transferts, évaluations et arbitrages de risques de crédit en cause – et face à l’ampleur financière réelle du problème sur la tête d’un seul acteur.
Cela pose la question des concentrations et méga-conglomérats auxquels il n’existe aucune limite de taille sinon celles du droit de la concurrence et des cartels mais selon d’autres conditions puisque la ratio en est distincte et consistant à protéger les droits du consommateur (à la concurrence et aux bas prix) mais non celui du client quant à la solidité d’une banque. Avoir laissé une banque essentielle pour le pays passer du statut de too big to fail à too big to save est une question réglementaire et politique. Avoir chargé et laisser charger le bilan (de l’une de ses unités) d’une telle valeur de produits à risques est une responsabilité du management dont l’analyse à plus moyen terme dira si elle l’est également des réviseurs et du régulateur.
Sur le secret bancaire et l’évasion fiscale, la banque est mal mal prise comme l’on sait dans l’affaire Birkenfeld, laquelle donne un prétexte malheureusement opportun à l’administration américaine pour s’en prendre à la fois à l’UBS, laquelle n’avait certainement pas besoin de cela, et au secret bancaire – donc à la Suisse et à sa place financière. Selon la presse des deux côtés de l’Atlantique, l’UBS et les Etats-Unis « discutent » de la manière de résoudre cette situation dans laquelle a) la banque a des activités aux Etats-Unis et y est donc sujette à juridiction et injonctions, mais b) ne peut en principe violer en Suisse la loi de son pays de siège pour les comptes qui y sont situés. Des commissions rogatoires ont semble-t-il été adressées à la Suisse mais dont la portée n’est en l’état pas publique.
Le bras de fer a pris un tour de plus hier en ce sens que le Department of Justice américain a demandé à un juge de Miami d’accorder une injonction de production de documents john-doe-ubs-30608 concernant les clients américains de l’UBS en Suisse. C’est certes là l’application extraterritoriale du droit américain et cela peut choquer, particulièrement si la partie visée doit violer le droit d’un autre Etat pour satisfaire à l’injonction. Ce n’est cependant absolument pas nouveau – et infiniment plus rapide, efficace et pratique que des commissions rogatoires lesquelles sont sujettes à de nombreuses conditions et recours – et ne sont au demeurant d’aucun secours envers des clients inconnus.
L’UBS est mal prise car l’objection qu’elle devrait violer le droit et le secret bancaire en Suisse, et même commettre ainsi une infraction pénale, n’émeuvra pas beaucoup les autorités et les tribunaux américains puisque i) cette protection légale en Suisse protégerait des contribuables américains en infraction et b) l’UBS fait des affaires aux Etats-Unis et doit donc assumer toutes les conséquences juridictionnelles, y compris extraterritoriales, qui en résultent. Tout cela n’est donc sûrement pas une surprise pour l’UBS non plus mais un train que l’on voyait venir de longue date…
[…] novembre 2008 (cf. ce blog du 22 novembre 2008), et même dès le John Doe Summons du 30 juin 2008 (cf. ce blog du 1er juillet 2008), que tout finirait ainsi. Tout n’est pas négatif pour autant dans l’appréciation […]