Avocats : Mieux écrire ?

Posté le 12 janvier, 2013 dans avocats / advocacy

Les avocats sont verbeux et vaniteux c’est bien connu. Ils estiment posséder le savoir – mais quid du dire ou plutôt de l’écrire ? Il n’y a dans la francophonie aucun réel enseignement du langage judiciaire, sur la manière d’écrire pour être efficace et convaincant. Les avocats sont formés à l’université s’agissant de leurs connaissances en droit. La formation d’avocat leur apprend ensuite la procédure et ce que la rédaction judiciaire doit comporter pour respecter la procédure. Mais le langage, le français, l’expression orale et écrite, sont réputés acquis au collège et ne font plus l’objet d’aucun enseignement spécifique. Et l’avocat de considérer qu’il s’exprime convenablement, et par-là le contenu qui constitue sa prestation professionnelle. Pourtant la rédaction judiciaire obéit-elle à des règles de langage spécifiques ainsi malmenées au quotidien. Il faut dire que comme pour la méthode, presque aucun ouvrage n’existe sur le sujet – en Suisse le bon vieux Tercier, mais formel et indigeste et surtout de 626 pages – qui veut lire 626 pages écrit dense et petit en 2013 ? -, et le mien Etre efficace en Justice… Aux Etats-Unis il y en a davantage ainsi que des spécialistes de ce domaine. Ainsi parmi d’autres l’excellent The Winning Brief – 100 tips for Persuasive Briefing in Trial and Appellate Courts de Bryan A. Garner. L’avocat francophone n’aime pas se faire dire qu’il ne doit pas couper son syllogisme par une subordonnée, ou que des tirets mettent mieux la précision ou la référence en évidence que des parenthèses. En réalité il n’aime pas être confronté au fait qu’il n’y avait pas pensé.

Once again, et pourtant. De telles règles ou outils sémantiques améliorent considérablement la qualité d’un texte, sa lisibilité, in fine son pouvoir de conviction et donc son efficacité. The Winning Brief est un livre passionnant parce que concret. Il donne cent conseils de rhétorique, sémantique, grammaire et syntaxe, et méthode. Et de manière étonnante – ou peut-être pas – ces conseils sont largement transposables en français, ou plutôt des constantes au-delà de la langue. Ainsi par exemple : pas d’extension argumentative entre parenthèses ou en notes de bas de page, préférer les verbes actifs aux expressions passives ou indirectes, ne pas éloigner le sujet du verbe, conclure une phrase par l’idée ou l’élément fort, privilégier les noms aux adjectifs, renoncer aux phrases qui seraient difficiles à dire, etc. Ainsi que des conseils d’approche et de méthode – universels aux aussi, ou à tout le moins dans nos systèmes judiciaires indépendants et régis par le droit. Et à chaque fois avec des exemples qui démontrent le propos. A noter d’ailleurs que s’il existe des cours et méthodes de technique législative, et que cette rédaction-là est balisée également par le cadre législatif existant, il n’existe apparemment pas du tout en français de cours ou d’ouvrages de rédaction de jugements. Le juge doit lui aussi structurer et composer son jugement en fonction des règles de procédure et respecter les garanties fondamentales. Puis dire pourquoi en fait et en droit il prend la décision qu’il prend. Curieux que là de même le système ne repose que sur les capacités propres du rédacteur et de s’inspirer intuitivement de ce qui se fait.

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