Nada c./ Suisse : Quand la Suisse viole elle aussi les droits de l’homme – et le sait

Posté le 7 octobre, 2012 dans justice

Confrontée à des temps difficiles sur la scène européenne et internationale avec les accords bilatéraux en panne, les problèmes de secret bancaire et de fiscalité de l’épargne avec ses satellites Rubik et les procédures avec les Etats-Unis, le problème de la fiscalité des entreprises étrangères, etc., la Suisse redouble de bonnes grâces et de proactivisme sur d’autres fronts – dont l’ONU et la diplomatie internationale. C’est très bien et la Suisse de fêter dignement les dix ans de son entrée à part entière à la table des nations, en ayant eu un rôle actif, remarqué et loué, ponctué par la significative présidence de l’Assemblée générale par M. Joseph Deiss. C’est très bien – mais a obligé la Suisse à des compromissions juridiques regrettables avec ses valeurs, ses principes, pour ne pas déplaire précisément à l’ONU et à son Conseil de sécurité. Ainsi dans l’affaire des listes noires la Suisse viole-t-elle et le sachant son ordre juridique interne, sa Constitution, la CEDH, le Pacte ONU II, etc. L’ONU postule, exige le respect des droits de l’homme. Ils en sont l’un des piliers fondamentaux. La Suisse les violera tout de même dans la mise en oeuvre des régimes de sanctions, leur interprétation. Il y eut l’arrêt Kadi de la Cour de Justice des Communautés (déjà commenté ici), la résolution de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, la motion parlementaire Marty en Suisse, rien n’y fit : la Suisse continuerait d’appliquer ces sanctions hors de toutes garanties juridique et judiciaire – pour faire plaisir à l’ONU.

Il y a toujours en des matières complexes des arguments à faire valoir pour soutenir que. Mais il n’est jamais bon se renier et la sanction tombe toujours un jour : la Cour européenne des droits de l’homme a tranché – et la Suisse violé les droits de l’homme. La presse l’a brièvement relaté – mais sans autres. Les violations du droit souffertes par M. Nada pendant dix ans n’intéressent pas grand monde. Seul un article du Guardian a quelque peu élaboré convenablement. Tout cela est regrettable parce que tout juriste suisse sait que la garantie de l’accès au juge, à un recours judiciaire effectif et concret, a été violée sans doute aucun dans la mise en oeuvre des régimes de sanctions de l’ONU. Ce qui est regrettable est que cela se soit fait le sachant, au motif défaillant en termes de logique interne que ces résolutions pourraient primer sur toute autre obligation – alors que l’ordre juridique onusien postule leur respect. Il est regrettable que la Suisse ait plaidé – de parfaite mauvaise foi puisqu’elle se bat par ailleurs pour faire changer ces régimes de sanctions qu’elle sait contraires au droit – ne pas devoir être soumise à la CEDH ratione materiae et ratione personae. Il est regrettable que la Suisse ait ainsi été schizophrène pour des raisons politiques – là où le problème était assurément juridique. Il est regrettable de se louer chantre des droits de l’homme – et devoir les violer par ailleurs en le sachant parfaitement et en l’escamotant.

Et il est regrettable que son Tribunal fédéral soit tombé dans le piège (ATF 133 II 450) qu’évitèrent précisément, courageusement mais avec simplement tellement de justesse juridique, la Cour de justice des Communautés et la Cour européenne des droits de l’homme. Communiqué digne de la guerre froide de l’administration fédérale. On va réfléchir maintenant (great!). Bref ce n’est jamais bien de violer les droits de l’homme. Ce n’est jamais bien de violer celui qui tient par nature à coeur aux avocats : access to justice.

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