
De retour – avec quelques observations sur la typologie du blanchiment en Suisse à l’aube d’une rentrée avec sérieuse gueule de bois pour la finance suisse et d’ailleurs
Sérieuse gueule de bois pour la finance à l’aube de cette rentrée – Rubik qui coule, le scandale du Libor, des pertes en milliards pour plusieurs géants par des traders incontrôlés, opérations illicites colossales chez HSBC et Standard Chartered, la risible plantée de Knight Capital, rentabilité zéro en période de croissance nulle, etc. etc. Il faudra bien une fois que toutes ces catastrophes, manquements et données de fait aboutissent à une réforme complète (cf. ce blog) des marchés redéfinissant les objectifs, les moyens et le cadre des activités de services financiers. Dans l’intervalle sur le front du blanchiment le rapport 2012 du MROS – à l’heure où, vingt-cinq ans après les récriminations de Jean Ziegler, dix et quinze après Duvalier, Mobutu et Abacha et les auto-satisfecits que la Suisse s’est distribué, les dictateurs d’Asie centrale ou leurs proches sont manifestement encore tous bienvenus dans nos salons. La typologie du blanchiment et son évolution sont toujours intéressantes – s’agissant de normes initialement destinées à lutter contre la criminalité organisée, celle susceptible de mettre en péril les démocraties, mais ayant résulté en une administration improductive créant des contraintes et des coûts pour l’ensemble des clients et de l’industrie. Année 2011 exceptionnelle ainsi pour la lutte contre le blanchiment par les banques et intermédiaires financiers : 3 milliards d’avoirs visés par 1625 dénonciations de soupçons, étant rappelé que le système suisse vise la qualité et non la quantité. 1625 dénonciations, c’est peu sur l’ensemble des comptes et transactions opérés en Suisse sur une année. Mais c’est significatif si ces soupçons sont fondés dans une grande quantité de cas – plus de 90% des dénonciations sont jugées suffisamment concrètes pour le MROS pour être transmises à une autorité de poursuite pénale. Quant au montant de 3 milliards, il représente aussi à la fois peu et beaucoup.
Beaucoup puisque c’est un montant significatif en valeur absolue, qui est en augmentation plus ou moins régulière, montrant de prime abord que le système fonctionne et que son efficacité progresse. C’est peu car à nouveau, sur la masse d’avoirs gérés et de transactions traitées en Suisse, qu’il y ait seulement 3 milliards qui soient d’origine criminelle est très en-deçà de la réalité. Il y a dans tout système financier, en Suisse comme ailleurs, un pourcentage donné de la masse monétaire en circulation qui provient de crimes et délits. Mais étant rappelé que ces 3 milliards ne représentent que les dénonciations issues du système financier, soit auxquels doivent s’ajouter les montants identifiés et le cas échéant saisis sur le base de l’activité propre de la police et de la justice. Il serait ainsi intéressant que cette comparaison soit tirée pour savoir quelle est in fine la proportion d’avoirs criminels détectés respectivement par le système financier et par les autorités de poursuite. Quant à la typologie des infractions, l’escroquerie, de pur droit commun, reste en tête, avec une part belle à l’abus de confiance également. Ce qui est probablement très bien – mais interpelle s’agissant de la détection de la corruption et des trafics des mafias soit le crime organisé typique. Le terrorisme, leitmotiv des Etats pour entretenir les peurs et restreindre les libertés publiques, est et reste anecdotique. La statistique 2011 comporte également les dénonciations résultant des printemps arabes. Peut-être comprendra-t-elle un jours celles des printemps russe ou dans d’autres républiques ex-soviétiques – dont l’actualité prouve régulièrement que ces clients restent grata dans nos banques jusqu’à leur chute officielle et quand bien même la provenance de leur fortune ne peut en toute objectivité être licite aux standards occidentaux. Realpolitk ou Realbanking ? Peut-être mais pas satisfaisant.
Et la Chine dans tout cela ? Le miracle capitalo-communiste y entraîne que les écarts de richesses entre les nantis et les masses sont infiniment supérieurs à ceux des pays capitalistes. Ce qui est tout de même remarquable s’agissant dune doctrine postulant l’égalité. Un dixième de pour-cent de la population y détient le 50% des richesses. La Suisse n’est certes pas la destination bancaire première des chinois mais il est étonnant qu’elle soit quasi-absente de la statistique. A suivre – et rapport annuel du MROS toujours à lire en cette matière.