
Settlements : Oui dans « RICO action in Moscow », non pour la BofA
Le « settlement » de la pratique américaine, règlement fréquent des litiges aux Etats-Unis, est souvent décrié de ce côté de l’océan. Il est dépeint comme le prix de la contrainte que constitue pour un défendeur d’être actionné dans un système qui ne connaît ni droits de greffe ni dépens, et dans lequel résister, même dans son droit, est cher et intrusif par la discovery – par sa nuisance et son coût. Il y a un peu de vrai mais à l’inverse, il y a souvent là tout de même une meilleure compréhension qu’en Europe de ce qu’un litige ne peut pas nécessairement être résolu par un jugement binaire, que tout défendeur assume un risque résultant d’une situation de fait dans laquelle il se trouve, que ce risque n’est jamais égal à zéro, et qu’il est dès lors de bonne économie de le calculer et de le mitiger. Dans l’actualité, l’incroyable procédure intentée par l’Etat russe à Moscou contre la Bank of New York sur la base du RICO Act du droit américain vient de se terminer par un tel settlement : une amende de USD 14 millions de $ pour solder une prétention de 22 milliards de $… Cette affaire, résidu tardif de l’emblématique affaire de blanchiment Bank of New York/Lucy Edwards/Peter Berlin des années nonante, était inédite au plan du droit : appliquer le droit américain devant un tribunal russe. Eh bien nous ne connaîtrons donc pas ce qu’un jugement aurait dit sur cette audacieuse approche et les russes ont… vite pris le pli des moeurs américaines ! Quant au settlement de 33 millions de $ entre la SEC et la Bank of America dans l’affaire des bonus de Merril Lynch, son homologation a été refusée par le juge en charge de la procédure à New York. Les raisons de ce refus ne sont pas moins intéressantes.
Le sujet est dans l’air du temps : les bonus des cadres bancaires. La Bank of America a dû sauver au pied levé Merrill Lynch de la faillite pour éviter un nouveau séisme dangereux systémiquement suite à celle de Lehman. La SEC lui reproche d’avoir caché à ses actionnaires qu’elle avait apparemment accepté avant cette reprise de payer 5,8 milliards de $ de bonus aux cadres de Merrill… dont la responsabilité dans sa déconfiture est évidemment mise en cause. Le jugement motive le refus d’homologuer le settlement par l’injustice apparente que la BofA s’en tire pour 33 millions de $ alors qu’elle a accepté une liability de 5,8 milliards sans la révéler de manière adéquate à ses propres actionnaires. Il fustige également la SEC de se satisfaire et de mitiger ses charges à si bon compte, et pour des raisons qu’il suspecte cosmétiques. Il est intéressant dans ses motifs parce qu’il motive le fait de fixer des limites dans la latitude des parties de régler le litige d’une manière qu’elles estiment conforme à leurs intérêts. Probablement aussi parce que des intérêts tiers, notamment des actionnaires, étaient sous-jacents. Faute d’avoir identifié un intérêt à transiger en lien avec les risques et les chances objectifs de chaque partie, il revient donc de manière intéressante à la notion de tort ou de raison par rapport au fond de la contestation et qui doit sous-tendre un caractère équitable et fondé du settlement. Le jugement est accessible sur un pop-up sur un post du WSJ Law Blog.