
Une hiérarchisation plus marquée et une refonte structurelle profonde sont indispensables au futur Ministère public genevois
Indépendamment de la réforme de la procédure pénale et de la fusion entre le Parquet et l’instruction, une réforme structurelle est nécessaire. Nombre d’affaires peuvent être traitées par un magistrat mais d’autres, les plus complexes et les plus importantes, nécessitent un travail d’équipe. Or la structure actuelle du Parquet l’exclut. Dans de telles affaires, la défense est assumée par plusieurs avocats et/ou leurs collaborateurs et stagiaires. C’est un droit et ils se répartissent les tâches et travaillent efficacement. Il n’est pas une seule affaire de criminalité économique dans laquelle les avocats constitués en défense ne travaillent pas en équipe. Ce que fait un corps professionnel dans une économie libre doit être observé – car il tend à l’efficacité et à la meilleure économie de moyens. Dans ces affaires, le procureur ou le substitut est seul, il doit gérer seul plusieurs dossiers, et la préparation d’une audience dans une affaire le met en rade dans toutes ses autres. Il est incroyable, moyen-âgeux et simplement inefficient qu’un procureur ou un substitut doive suivre seul l’instruction (actuellement – et ils n’y arrivent pas et n’y tiennent pas un rôle de partie active comme cela devrait être le cas), ingérer le dossier lorsque l’instruction est close, et faire les réquisitions puis l’audience. Même le Procureur général, dont au surplus les tâches administratives sont importantes, ne peut sélectionner et utiliser des collaborateurs magistrats dans l’exercice de la poursuite pénale dans les affaires les plus graves, et ne dispose que d’un soutien logistique et scientifique limité sinon indigent. Certains peuvent penser que la défense est heureuse de bénéficier de ces faiblesses. Il en découle en réalité pour elle d’autres désagréments dont la lenteur et l’absence de réactivité tout au long de la procédure. Pour le citoyen et la société, il y a là une inefficacité structurelle à laquelle il doit être remédié dans l’intérêt de la Justice et de l’Etat.
A Genève le Procureur général est élu et rend donc compte devant le peuple. Il doit avoir, mener et assumer une politique criminelle. Cela fonde en soi une hiérarchisation plus marquée et qui va dans le sens d’une efficacité conforme à des standards organisationnels modernes. Poursuivre mieux et plus vite, mais aussi libérer plus vite de la procédure ceux qui sont poursuivis sans que des charges n’existent ou ne se confirment. Le Procureur général et les procureurs doivent pouvoir composer des équipes ad hoc en fonction des dossiers, qu’ils les dirigent ou non, fixer les axes, les options et les objectifs, et coordonner une politique criminelle d’ensemble. Ce n’est actuellement de loin pas toujours le cas dans les affaires courantes entre les substituts et les procureurs. Des affaires similaires sont traitées de manière parfois radicalement dissemblables. Certaines décisions d’ouverture d’information ou de classement sont incohérentes d’un magistrat à l’autre.
Il y a donc une différence institutionnelle fondamentale entre les magistrats du siège et ceux du Parquet – lequel demeure avant tout, ce qui est constamment perdu de vue, une partie. Y a-t-il un risque de mainmise ou de dirigisme excessifs du Procureur général sur des procureurs et substituts ? Pour des motifs qui seraient au surplus illégitimes ou partisans ? La question n’est pas posée en les bons termes. Le Parquet n’est pas à Genève assujetti au pouvoir exécutif. Le Procureur général répond politiquement de son action. Les limites et droits de recours en matière de classement tempèrent également le risque qu’y voient les opposants à cette évolution. L’image du procureur ou substitut vertueux et magistrat missionnaire du bien commun, seul contre tous s’il le faut, libre et indépendant même du Procureur général, est d’Epinal, irréaliste et obsolète. Il peut même en résulter des incohérences, des chapelles et des blocages – nuisibles plutôt que l’inverse. Le Parquet doit devenir une équipe cohérente, menée, intégrée et dotée des moyens logistiques adéquats. Les procureurs et substituts doivent être aussi moins seuls et pouvoir valider certaines options auprès du Procureur général – et en avoir similairement le confort et son soutien. Il n’est alors nul doute que ces magistrats feront valoir leurs qualités et leur indépendance d’esprit dans le cadre de la loi mais aussi de la politique criminelle et des options générales dont le Procureur général a précisément le devoir et la responsabilité.
La structure actuelle désuète du Parquet et de l’instruction, et l’isolement des magistrats sur leurs dossiers, est enfin un facteur primaire (avec d’autres au niveau de la Cour) dans les délais de traitement scandaleux et contraires à la CEDH des affaires pénales à Genève (rappel au hasard : plus de 4 ans pour juger Cécile B., 6 ans pour juger les auteurs du rodéo du quai de Cologny en 2003, 4 ans et demi pour un de mes clients X. pour une infraction financière correctionnelle ordinaire, 6 ans et pas encore de jugement dans Piguet/Golden Lion, etc.). Il donc bien temps de ne plus attendre.
[…] et de moyens, de viser une efficacité équivalentedéfense à celle de la (sujet déjà traité sur ce blog en 2009). La PPF est loin – mais le problème demeure dans l’efficacité organisationnelle […]