
Madoff : Quoi de neuf – après l’été ?
Après le sport retour de New-York sur Madoff – et le sort des multiples procédures judiciaires dont les victimes attendent le résultat et in fine une indemnisation de leurs pertes. Premier revers judiciaire pour le liquidateur de BMIS tout d’abord. Irving Picard avait ratissé large en attaquant JPMorgan Chase, la banque de BMIS, Unicredit et HSBC pour respectivement $ 19, 60 et 10 milliards (cf. ce blog du 3 juillet). Une Cour fédérale de New-York a accepté la motion to dismiss de HSBC sur un double fondement. Le liquidateur ne peut pas faire valoir des prétentions ordinaires en dommages intérêts qui appartiennent en réalité aux victimes, mais uniquement des prétentions de droit de la faillite, c’est-à-dire visant à recouvrer l’actif du failli et à exercer l’action révocatoire (clawback). La clean hands doctrine ne permet pas non plus à un fautif de réclamer réparation d’un autre (par hypothèse) fautif. Picard a fait appel de cette décision. Cette problématique appelle deux réflexions. Premièrement, si Picard devait perdre, l’impact serait limité car le total des prétentions de droit de la faillite qu’il exerce contre ses défendeurs excède de toutes manières le « net in », soit le dommage subi par les victimes aux valeurs investies (cf. plus bas). Deuxièmement, le fait pour Picard de réclamer des dommages intérêts ordinaires à fin de dédommager les victimes de Madoff pose un délicat problème de double-emploi avec les actions en dommages intérêts intentées par des victimes et/ou des fonds feeder victimes eux-mêmes contre les mêmes prestataires de services sur un même fondement. La résolution de ce problème, Picard devrait-il gagner sur ce point en appel, passe par la théorie générale du droit selon laquelle le fautif ne doit pas indemniser deux fois un même dommage – et par le droit international privé selon la manière dont certains jugements rendus en certains lieux seront ou non reconnus ou pris en compte en d’autres.
JPMorgan a également fait valoir une telle motion to dismiss. L’écart est important pour cette banque puisque Picard réclamait initialement $ 400 millions de clawback plus $ 500 millions de fees – plus $ 5,4 milliards de dommages intérêts, avant d’amplifier finalement sa demande à $ 19 milliards. Pour Picard l’incurie de JPMorgan Chase était telle qu’elle avait causalement permis la fraude et donc in fine causé l’entier du dommage au « net in ». A suivre – mais ce n’est pas tout. Sur les autres fronts, la Cour d’Appel du 2ème Circuit a confirmé la position de Picard et du juge des faillites de première instance selon laquelle les créances des victimes devaient être prises en compte sur la base du « net in », c’est-à-dire de leur investissement net – et non des montants, fictifs, des relevés de BMIS au jour de la faillite. Cette position, déjà commentée, est pour la Cour dépendante des circonstances et dans cette affaire à la fois la plus en ligne avec le sens de la loi et la plus équitable. La Cour a considéré que de prendre en compte les relevés de compte privilégierait encore les net winners au préjudice des net losers sur la base de profits fictifs et arbitraires – ce qui serait inéquitable. Point réglé donc.
Deux autres développements méritent encore mention. Dans le procès mené par Picard contre UBS à New-York pour USD 2 milliards en tant qu’administrateur et dépositaire de fonds feeder, celui-ci a complété ses allégations. Il fait valoir désormais que UBS a trompé la SEC et les régulateurs luxembourgeois (et les investisseurs !) en cachant que BMIS était le réel (sous-) dépositaire des avoirs de ces fonds. Pour Picard la fraude n’aurait pu avoir lieu si UBS n’avait pas donné l’apparence – fausse – d’être le dépositaire et dès lors en contrôle des avoirs et des transactions. Cette affirmation est exacte et centrale aux autres procès intentés directement aux banques dépositaires de ces fonds feeder par les fonds, leurs liquidateurs et/ou des investisseurs directement. Elle est virtuellement incontestable. Dernier point enfin dans une autre affaire de fraude Ponzi à (seulement) $ 700 millions commise par un avocat américain du nom de Marc Dreier – et qui pourrait avoir un impact dans le cadre des procès intentés aux banques de BMIS par Picard. La Cour des faillites a jugé contre la liquidatrice de Dreier que le fait que la banque de Dreier ait relevé des anomalies dans la relation n’équivalait pas pour autant à un constructive knowledge (emportant responsabilité) qu’il commettait une fraude Ponzi. Picard soutient ne pas avoir besoin de démontrer que les banques attaquées savaient pour un fait que Madoff commettait une fraude, mais qu’elles ont ignoré des signaux d’alarme qui l’auraient mise à jour si elles leur avaient donné suite. Le point de ce standard dans la détermination d’une responsabilité pour faute sera donc crucial dans Dreier comme dans Madoff.
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