
Arrêts 2C_777 et 755/2010 du Tribunal fédéral – un bon pas mais pas encore final dans le sens de l’exclusion d’une compétence de l’autorité judiciaire saisie du fond ou du juge d’instruction/procureur pour décider d’un conflit d’intérêts de l’avocat
Ce point fait l’objet de discussions à chaque cas particulier – et d’une jurisprudence pourtant et malheureusement disparate vu des situations cantonales différentes, en dépit de l’unification de la règle elle-même de l’interdiction du conflit d’intérêts à l’art. 12 LLCA. Cela même s’il choque que le juge en charge du fond, ou un juge d’instruction ou un procureur, puisse juger d’un conflit d’intérêts de l’avocat lequel exerce précisément des droits de partie ou de la défense. La question de l’existence d’un conflit d’intérêts est au surplus tellement casuistique (mais lequel doit être concret cf. arrêt 2C_699/2007 et commentaire de Bohnet dans la Revue de l’Avocat 2008) que de laisser au juge d’instruction ou au procureur la faculté de disqualifier un avocat lequel, ou son exercice des droits de la défense, lui déplairait, n’est pas sain et le lieu de possibles dérapages. Et un acte portant en tout état atteinte à la situation et aux intérêts de fait et de droit de la partie cliente. Le TF (arrêts 2C_777/2010 et 2C_755/2010 – rendus à trois juges) fait ainsi un pas dans la bonne direction – mais au terme d’un raisonnement compliqué qui passe par plusieurs points intermédiaires. Il est nécessaire ainsi de se demander si la décision sur le conflit de l’avocat est une décision juridictionnelle ou administrative, si elle est une décision cantonale de dernière instance ou s’il existe des voies de recours cantonales innomées ou de compétence générale. Et si cette décision peut en fonction de cela être portée directement au TF. Où mène donc ce cheminement ?
Le TF commence par déclarer les recours en matière de droit public et constitutionnel subsidiaire irrecevables faute pour le juge d’instruction d’être un tribunal cantonal supérieur. Une voie de droit cantonale étant commandée par le droit fédéral, et par-là une autorité à laquelle renvoyer la cause, le TF examine tout de même ce qu’il faut faire de la décision et quelle cette autorité pourrait être. Citant la jurisprudence et faute pour la LLCA de le régler, il examine la question de la compétence pour statuer sur le conflit d’intérêts de l’avocat et rappelle qu’il peut s’agir de l’autorité de surveillance cantonale ou du juge du fond en fonction du droit cantonal. Il examine ensuite le droit genevois pour arriver à la conclusion que même sans une clarté absolue de la norme cantonale sur l’exhaustivité de la compétence de la Commission du Barreau, il est préférable, en fonction de la pratique également, que ce soit l’autorité de surveillance. Cela pour éviter un risque de conflit ou de double-compétence entre la Commission du Barreau et le Tribunal administratif vu le caractère organisationnel de la décision. Et de dire que le juge d’instruction n’avait pas la compétence de sa décision et de la requalifier dès lors en dénonciation à la Commission du Barreau. Le TF déclare cette solution applicable sans modification législative mais, curieusement, provisoire, en ce que laissant aux autorités cantonales de trancher ultérieurement la question d’une éventuelle compétence parallèle entre la Commission du Barreau, dont les décisions font l’objet d’un appel administratif cantonal, et le juge d’instruction, aujourd’hui procureur, s’il existe une voie de recours claire, en principe administrative.
Tout cela va donc dans le bon sens mais à petits pas, est bien ampoulé, et peut-être pas pour les vraies bonnes raisons. Le juge du fond, juge d’instruction ou procureur a lui-même un problème pourtant patent d’indépendance si la tâche lui échoit de trancher, en plus du fond, de l’indépendance de l’avocat – puisque c’est disqualifier l’un des conseils et en priver l’une des parties, donc porter atteinte à son choix et à ses droits par rapport à l’autre. Il est dommage que le TF n’y ait pas fermé la porte définitivement, à plus forte raison que la compétence de l’autorité de surveillance cantonale est un système cohérent, légitime et fonctionnel. La question eût également pu être abordée sous l’angle, mais lequel n’était pas plaidé, de la CEDH, soit de l’indépendance du juge. Le TF réserve ainsi les systèmes cantonaux et lesquels demeurent pour les mêmes raisons disparates (cf. p. ex. en Valais le rattachement contestable de la question du conflit à la capacité de postuler du droit de procédure civile RVJ 2004 p. 263), peu satisfaisants et in fine d’une sécurité juridique limitée. La jurisprudence, abondante, a encore notamment examiné la question, en fonction des moyens soulevés, sous l’angle de la qualité pour recourir (cf. le considérant 6.2 de l’ATF 135 II 145 niant le droit de recourir au client privé de son avocat), de l’intérêt public d’éviter le conflit d’intérêts de l’avocat primant sur l’intérêt privé au choix de son avocat (SJ 1998 p. 361 c. 4.d)) ou encore de l’absence de violation des art. 31 Cst. féd. et 6 § 3 CEDH vu la faculté de désigner un autre avocat (même arrêt). Espérons que les autorités cantonales confirment à l’avenir la solution de la Commission du Barreau plutôt que n’en viennent à raviver une double-compétence. A plus forte raison que le Tribunal pénal fédéral s’y est lui-même rallié dans un arrêt RP.2010.61-63 (dans une affaire d’entraide, et contre l’avis de l’OFJ qui plaidera décidément toujours ce qui s’avère in casu favorable à l’entraide…).
[…] d’un client en raison d’un conflit d’intérêts est importante et controversée. Dans deux arrêts de 2010, le TF faisait un pas vers la bonne solution, soit celle que ce n’est pas le juge saisi de la […]