Wall Street. En pire que jamais…

Posté le 10 mai, 2011 dans finance / eco

Gordon Gekko 1987

Le film original d’Oliver Stone portait bien son nom. Il réduisait à ces deux lettres symboliques les excès de la finance folle, vénale et surtout sans contrôle des années 80. Quelques lampistes ou acteurs ayant éhontément profité ou forcé le trait furent tout aussi symboliquement, et isolément, punis. Puis romancés aussi sous titres évocateurs, Den of Thieves, The Bonfire of the Vanities, Barbarians at the Gate, In$ide Out. Puis la crise de 1987, la crise immobilière, la guerre du Golfe et quelques bulles calmèrent tout le monde, ou plutôt détournèrent l’attention des voleurs quelques années. Vingt ans plus tard, le constat se renforce en permanence, Wall Street 2011 est infiniment pire que Wall Street 1987. Le message est trouble parce que le « tous pourris » du gauchiste de base des films des années 70 est facilement réfutable, pas très précis, vite épuisé. Et tout ne va de loin pas moins bien – mais mieux dans mille domaines y compris financiers (publicité, exécution, liquidité, etc.). La réalité demeure que, sans savoir vraiment comment y remédier, cette perception d’un dévoiement de la finance est réelle dans une large frange de la société civile – et de ses élus. Et avec le constat suivant que ce clivage, comme l’absence de conscience et réaction quelconque de ces milieux, sont inquiétants. Gordon Gekko était un bandit peu sophistiqué. Très cinématographique. Mais un voleur. Avec sa belle gueule, son cynisme totalement capitaliste et ses bretelles, il devînt, paradoxalement et for real un modèle pour toute une génération de financiers. Allez-y – mais sans vous faire prendre, sinon quelqu’un d’autre profitera.

Le film de 2010 résuma le monde de 2010 avec la même simplicité que le premier titre : greed was good, now it’s legal. Tout le monde se moque de la prévarication de la finance actuelle – ou s’en tient à un constat d’impuissance désabusée. Donc allons-y. Les vrais méchants, Madoff, Stanford, Kerviel, sont considérés comme des accidents, des délinquants, des parias – parce qu’ils ont violé la partie la plus perceptible des règles : voler, escroquer, tricher. Soit celles pour lesquelles on se fait prendre. Certains rapports et statistiques attestent de la diminution de cette criminalité-là en Suisse. Mais pendant ce temps les méchants minant véritablement et bien plus gravement les fondements du système prospèrent en toute impunité, parce que naviguant dans une zone réglementaire complexe et difficilement enforceable en l’état des moyens et de la volonté des autorités de poursuite et de marchés. Il a fallu neuf ans pour condamner Messier à une peine somme toute assez symbolique, huit ans pour condamner Tanzi dans Parmalat, lui à huit ans de prison.  Mais la liste que fournit l’actualité de voleurs, profiteurs ou cas (très) limites est longue et évocatrice.

Stan O’neal artisan de l’implication de Merril Lynch dans les subprime ($8 milliards de pertes) – mis à la porte mais avec un parachute de $160 millions, Rajat Gupta, membre du board de Goldman Sachs, a tuyauté Rajaratnam du fonds Galleon, et démissionné pour l’instant sans pousuites, Fred Joseph, Drexel, insider trading organisé, simplement banni d’activités financières, Frank Quattrone, Credit Suisse, qui gagnait plus de $100 millions par an, pour obstruction à la justice dans une enquête sur des IPO’s suspectées d’irrégularités, James Cayne, Bear Sterns, artisan du naufrage de Bear Sterns, Jack Grubman, Smith Barney, irrégularités de marché, banni d’activités financières et amende de $ 15 millions, David Sokol (voir ce blog du 10 avril), Berkshire Hathaway, abus de marché, démissionné, Joseph Cassano, AIG, fuite en avant dans les CDO’s nécessitant le bailout, démissionné, Franklin Raines, Fannie Mae, irrégularités comptables et en matière de rémunérations, amendé et restitua $ 5,3 millions, Dick Fuld, Lehman Brothers, artisan du naufrage de Lehman, Al Dunlap, Sunbeam, irrégularités comptables, transigea les charges pour $ 15,5 millions, Angelo Mozilo, Countrywide Financial, opérations déraisonnables dans les subprime, amendé $65 millions. Et autres Kenneth Lay et Jeffry Skilling (Enron), Rajaratnam (Galleon), etc. etc. Constat exagéré ? Cas limites ? Cas isolés ? De plus en plus difficile à soutenir. A l’inverse, la partie visible de l’iceberg seulement ? Assurément. Seulement aux Etats-Unis ? Ceux-là parce que Wall Street s’y trouve – mais sans en tirer la conclusion que les autres places sont vertueuses. Et les autorités poursuivent tout de même davantage aux Etats-Unis qu’ailleurs. Une suggestion donc : lorsque Bilan et autres dressent leur liste annuelle des 300 ou 500 plus riches, pourquoi ne pas consacrer également une section au secteur des voleurs, condamnés, moutons noirs et autres profiteurs ? Tous nos vrais Gekko ?

Gordon Gekko 2010

Gordon Gekko 2010

2 réponses à “ Wall Street. En pire que jamais… ”

  1. David dit :

    Triste constat en effet. La société actuelle glorifie tellement les « malins » que celui qui ne triche pas passe pour naïf et ignorant.

  2. […] Street en 1987, Greed was Good. Dans Wall Street en 2010, Greed was even better: It was Legal (cf. ce blog). Tout fout décidément le camp puisque Gordon Gekko travaille maintenant pour FBI. Et son image […]

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