
Guerre fiscale avec la France : L’arme absolue du trust contre l’entraide fiscale même si la France hait les trusts !
Sarkozy bombe le torse et lâche des phrases désagréables et gratuites contre la Suisse lors d’un sommet qui n’a la légitimité que de ceux qui s’y trouvent et sur les sujets ciblés qu’ils veulent bien y traiter entre eux. Avec toutes les histoires de mallettes de la droite et le Woerthgate, cela peut faire sourire – et Mme Calmy-Rey de se et lui demander en convoquant son ambassadeur en Suisse quel problème il a avec celle-ci sur un sujet qui pose peut-être un problème prospectif mais laquelle Suisse ne viole en rien le droit ni aucun engagement international. S’en prendre au secret bancaire et au trouble fiscal qu’il cause ailleurs est une position politique qui se défend naturellement mais qui n’en est pas moins manichéenne et facile, simpliste, – alors que le sujet est institutionnellement et historiquement plus complexe. Quoi qu’il en soit, au même titre que Orlando Higgins haïssait les acteurs, la France hait les trusts. C’est anglais donc suspect, c’est bizarre, il y a démembrement entre la propriété et le equitable interest du bénéficiaire, ça ne peut que servir à biaiser la bouche en cœur comme les anglais, bref ça sent la menthe et ça ne peut que craindre. La France ne ratifiera donc pas la Convention de la Haye sur les trusts (en fait sur leur droit applicable et leur reconnaissance) comme l’a fait la Suisse. Tout cela est très bien mais touche au droit civil – quid du droit fiscal ?
En France, celle-ci exècre tellement les trusts qu’elle vient de les pénaliser économiquement et de les quasi-criminaliser avec leurs trustees même si ce sont de braves Bahamiens, Bermudiens ou autres agissant dans la plus pleine légalité du lieu où ils exercent. Le droit français n’envisage ni la reconnaissance civile ni aucun traitement fiscal quelconque qui soit simplement juste par rapport à la réalité juridique d’un trust. Cette attitude rétrograde et obtuse en effraiera plus d’un – ce qui est certainement l’effet escompté. Elle est toutefois regrettable tant pour elle-même que par les conflits de droit qu’elle crée en mettant sur ce point la France hors du village global à laquelle elle participe pourtant et pour mille autres choses. Et sachant que le contribuable peut voter avec ses pieds. Comme parallèlement un point crucial de cette guerre fiscale est le champ d’application des conventions de double-imposition en matière d’entraide fiscale et d’échange d’informations, quid ? Eh bien la réponse est probablement que le trust, s’il est correctement ficelé, est une arme absolue – et cela même contre la France.
A la faveur d’un raisonnement résolument juste et sain, le Tribunal administratif fédéral, dans un arrêt d’entraide fouillé avec les Etats-Unis (arrêt ATAF A7013_2010 du 18 mars 2011), a refusé celle-ci dès lors qu’il a été établi devant lui que le trust était irrévocable et discrétionnaire. Le bénéficiaire n’acquérant ainsi la equitable ownership des biens que lorsque le trustee exerce son droit discrétionnaire de les distribuer, il n’a avant cela qu’une expectative qui ne crée pas de beneficial ownership qui tomberait dans celui-ci des cas prévus par la CDI-US qui était invoqué. C’est simple, clair, carré et juste. CQFD – et le TAF de refuser l’entraide dans ce cas-là aux Etats-Unis, pays qui connaît lui précisément l’institution du trust (considérants 6.3.2 et 6.3.3). Cet arrêt est rafraîchissant – dans un monde dans lequel la réalité, notamment juridique, est beaucoup plus complexe et imparfaite que la vision sciemment manichéenne qu’expriment les politiciens quand cela les sert. Il apporte une solution rationnelle et dont l’ancrage dans la réalité du droit matériel du trust est telle qu’elle en est largement indéboulonnable sur le point qu’elle tranche, même si elle ne règle à l’évidence pas l’ensemble des risques d’une telle situation.