Gestion alternative, Madoff & Cie : A l’année prochaine…

Posté le 23 décembre, 2008 dans finance / eco

Le début de l’année 2009 sera le moment de beaucoup de vérités et de la gueule de bois pour la gestion alternative. Pendant la majeure partie de la baisse, les hedge funds ont mieux résisté que les indices, semblant conforter leur valeur ajoutée par rapport à la détention directe d’actions, par leurs pondérations d’actifs et leurs protections par produits dérivés. Les lendemains furent moins favorables puisque de nombreux fonds n’ont pas été capables de « rédempter » – alors que le vendeur d’une action retrouvait au moins, en tout temps et en temps réel, le prix du marché. Ce risque systémique d’illiquidité de la gestion collective s’est donc bien réalisé, avec pour corollaire celui de la réalité ou irréalité de la NAV théorique de celui qui n’a pas encore demandé le remboursement. L’affaire Madoff, si elle implique une dimension de fraude qui est exceptionnelle et isolée, encore que d’autres se feront jour (cf. article précédent), est pour sa part en train de mettre en lumière certaines pratiques de ce domaine d’activité qui subiront un violent resserrage de boulons en 2009. Que penser en effet de la valeur ajoutée et des qualifications de l’intermédiaire ou du gérant lequel, vantant son analyse ou ses qualités de sélectionneur, place ou replace chez Madoff sans avoir jamais su ni compris en quoi consistait sa stratégie, son business model, ni vérifié l’existence des actifs sous-jacents, ni confronté le modèle de gestion allégué par Madoff aux réalités de marchés ?  Tout en encaissant mécaniquement – mais sur la base finalement de quelles contreprestations ? – une commission de gestion de x %, une commission de performance de y%, voire une entry fee de z %.

Quant aux rétrocessions, évidemment juridiquement problématiques, elles seront l’un des éléments essentiels du litigation qui en résultera. Incroyable de lire même dans certains prospectus que certains directeurs de fonds ont mis en garde sur le risque inhérent, et contraire à la prudence de base, de confier la gestion au custodian y inclus le risque de détournements ! A voir si le fonds sera exonéré de responsabilité envers la clientèle du fait d’avoir été si clair. Quid donc et in fine d’un business model qui ponctionne large lorsque le gérant surfe la hausse mais lock-in le porteur de parts en période de forte baisse ? Comme la mémoire des marchés est courte en cycle haussier, l’attrait de la possibilité de gains supérieurs aux indices fera cependant certainement repartir la gestion collective, probablement tout de même sur des bases contractuellement et structurellement différentes.

S’agissant de Madoff, viendra en 2009 le litigation. A New-York, le sentiment actuel est qu’il y aura peu d’actions judiciaires contre Madoff et ses sociétés, pour la bonne et simple raison qu’il n’y aura qu’un faible dividende à escompter – et lequel sera de toutes manières versé dans le cadre de procédures collectives. Toutes les autres plus ou moins deep pockets impliquées seront en revanche recherchées, fonds, directions de fonds, réviseurs, distributeurs, dépositaires, bref tous les étages des usines à gaz multi-juridictionnelles interposées entre l’investisseur et le bandit, Madoff. Tous ces acteurs n’auront pas nécessairement fauté et engagé leur responsabilité civile dans chaque cas de figure, loin s’en faut. Si l’on ne peut évidemment présager de la fraude d’autrui, encore faut-il avoir fait preuve de la diligence requise contractuellement ou du fait des circonstances. Certains clament aujourd’hui qu’ils avaient bien dit bien vu (cf. l’étonnante dénonciation Markopolos de 2005 à la SEC). Il semble se confirmer que certains signaux d’alarmes ont circulé en étant ignorés, certains évoquant même clairement une fraude. Il faudra en évaluer la portée et la pertinence a posteriori (cf. l’analyse du Pr. Varma). Ceux dont la prestation a consisté à placer chez Madoff sans avoir réellement compris ni vérifié – mais en percevant à la fois leur rémunération pour ce placement et des rétrocessions de Madoff, seront très probablement mal pris. Ils seront d’ailleurs dans une position ambivalente du fait qu’ils devront eux-mêmes sauvegarder les droits de leurs clients/porteurs de parts en aval, tout en étant en amont actionnés par ceux-ci pour le solde de leur dommage .

Il y aura enfin les actions révocatoires contre ceux qui ont obtenu des remboursements depuis le moment auquel la fraude a débuté, sans exclure nécessairement une responsabilité de la SEC – en dépit de son immunité théorique. Toutes ces actions judiciaires peuvent sembler vaines, longues, chères et difficiles. Dans la pratique, elles permettent pourtant toujours dans une diminution sensible du dommage. Restructurer le domaine de la gestion collective ou litigation, il va y avoir du boulot en 2009…

imprimer cet article | Envoyer à un ami | Commentaires fermés sur Gestion alternative, Madoff & Cie : A l’année prochaine… | RSS

laisser une réponse