Début 2015, l’avocat a des misères, comme toujours. Déjà qu’il doit rappeler à ses clients que sur son taux horaire, 50% vont aux frais généraux et 25% aux impôts, voilà deux inepties de plus qui s’imposeront à lui en 2015 : le droit comptable lui imposera la taxation des heures à facturer à la fin de l’exercice calendaire, et il devra signer une formule R bancaire lui imposant, pour instrumenter des fonds de clients dans son activité typique, des contours fixés par… un règlement du Trésor américain. Sur le premier point, c’est simplement tellement inadapté à la profession, tellement éloigné de la réalité de son fonctionnement de profession libérale, que cette obligation sera sans nul doute mal appliquée. Sur le second point, la messe n’est pas dite toutefois – les avocats ne se laisseront pas faire par les errements de l’ASB sur un point qui touche à leur âme, le secret professionnel, et à leur liberté économique constitutionnelle. Même si c’est moins pire qu’en Arabie Saoudite où trois avocats ont été condamnés à des amendes, interdictions de voyager et d’utiliser des réseaux sociaux, et à de la prison ferme jusqu’à huit ans, pour avoir critiqué le Ministère de la justice sur Twitter. A part ça, certains avocats font comme les banquiers, fabricants de montres ou autres chocolatiers – en revendiquant une longue existence de leur Etude en y voyant un bénéfice commercial. Le cas est peu fréquent vu que les Etudes se font et défont rapidement à l’échelle du temps commercial, même si certaines ont quelques décennies, et il est difficile d’affirmer une réelle traçabilité au-delà d’une génération. La plus ancienne des Etats-Unis, ou en tout cas se le prétend-elle, daterait de… 1783.
L’informatique bouleverse la profession ? Oui et de manière continue depuis des années déjà. Derniers trends, la guerre que continuent à se livrer les moteurs de recherche, payants et gratuits, pour produire les meilleurs résultats le plus vite et le plus facilement, l’automatisation de certaines prestations juridiques grand-public, notamment des contrats-types avec interfaces user-friendly, ou l’automatisation annoncée de certains mémoires judiciaires basiques. Mais surtout, la puissance d’analyse de situations et données permettra de dégager les issues statistiques vraisemblables de situations similaires. Il en résultera une plus grande prévisibilité pour les plaideurs, essentiellement les entreprises, qui pourront mieux apprécier leur risque, et partant l’engagement de ressources dans des contentieux ou des négociations. L’évolution de la concurrence envers les avocats ? Elle vient essentiellement… des clients eux-mêmes. Aux Etats-Unis, le secteur corporate a réintégré ainsi en 2014 1,1 milliard de dollars de frais d’avocats sur des services internes. Cela reste peu en termes relatifs, soit sur les 101 milliards qu’y coûtent les services juridiques externes aux entreprises par an – mais contre tout-de-même 41 milliards de services juridiques internes.
Autre innovation, l’American Bar Association développe avec une start-up [1] une plateforme de services en ligne, fournis par des avocats, visant les personnes ne recourant pas autrement à un avocat. L’idée est de procurer des revenus à la carte à certains avocats, et des services abordables à des particuliers et petites entreprises. Aux Etats-Unis comme en Suisse, il y a une partie du public qui est en effet « underserviced », alors que simultanément le marché se segmente : les grands cabinets accaparent certains pans d’activité – comme les fusions et acquisitions ou la représentation devant la Cour Suprême. Douze cabinets monopolisent quasiment l’activité devant cette Cour, avec un taux de recevabilité de 18% – contre 5% en moyenne. Cette statistique s’explique par leur expérience, mais aussi par leur refus des cas n’ayant que des chances limitées d’être examinés. Mais le taux de succès de ces cabinets est élevé aussi – environ 30%. Inversement, les grands cabinets, pour « être » de l’élite, doivent avoir une représentation devant la Cour Suprême, ce qui signifie avoir les avocats qualifiés et obtenir des mandats. Pour certains contentieux, les entreprises ne peuvent pas prendre la responsabilité de ne pas engager l’un de ces éléphants. Pour revenir à l’Etude virtuelle, une expérience vient de prendre fin, celle de Clearspire [2]. Cela n’a pas marché – peut-être l’absence de contact personnel ? Mais la plateforme est reprise pour être mise à disposition non plus d’une mais de plusieurs Etudes. Le futur reste en marche.