
Deux heures de plus à l’examen du brevet d’avocat pour allaiter son bébé !
Eh oui, sauf que… c’est dans l’Illinois ! Une candidate enceinte avait fait cette demande de disposer d’un temps supplémentaire en raison de l’allaitement du bébé qu’elle aurait au moment des épreuves. La Commission des admissions du Barreau de l’Illinois avait dans un premier temps rejeté sa demande. Puis, sous la pression, les modalités ont fait l’objet de toute une discussion et elle aura droit finalement à des interruptions du chronomètre de ses examens écrits jusqu’à trente minutes par examen de trois heures. Sur l’entier des examens qui durent deux jours, c’est donc un temps supplémentaire de deux heures au maximum qui lui a été alloué. Comme toujours, cette requête et le contentieux qui s’en suivit ont été largement médiatisés et placés sous l’aune de la discrimination dont serait victime une jeune mère, et donc toutes les jeunes mères, dans une telle situation. La question se pose certainement de savoir s’il est avisé de passer le brevet lorsque l’on a un bébé d’un mois – mais c’est une décision strictement individuelle. En revanche, la question de savoir si et quelles exceptions il faut faire aux règles d’un examen en fonction de circonstances personnelles, est plus générale et très délicate dès lors que touchant à l’égalité de traitement. Or, celle-ci est sacro-sainte en matière d’examens pour des raisons évidentes : des avantages violant l’égalité de traitement sont moralement et juridiquement inadmissibles.
Cela ouvre évidemment la porte à toutes sortes de requêtes fondées sur le droit à ne pas être discriminé, mais qui posent tout un problème en termes d’égalité de traitement : le musulman voudra s’interrompre pour prier vingt-minutes à heure dite, le juif refusera de passer l’examen un samedi qui est un jour ouvrable, le dyslexique, l’hyperactif ou l’émotif prétendront à la compensation chiffrée en temps de leur handicap, le fumeur voudra aller fumer dehors, etc. etc. Certains de ces exemples paraissent futiles et il y a des distinctions à faire entre des conditions de type médical et des convictions religieuses, la laïcité comportant à la fois d’en faire abstraction dans l’activité étatique et leur liberté dans la sphère personnelle. Les décisions à prendre sont délicates en présence d’un handicap : c’est à la fois une injustice de la vie qui doit être acceptée, mais dont nos sociétés acceptent aussi certaines formes de compensation. Comment quantifier alors la compensation du temps dans un examen de manière à respecter tout-de-même l’égalité de traitement ? Au jour de l’exercice d’une prestation professionnelle comme celle de l’avocat, et notamment devant les tribunaux, il est douteux que le plaideur dyslexique reçoive par hypothèse des aménagements. Il faut donc accepter-là un certain Darwinisme inhérent lui-aussi à toute activité humaine, et un bon équilibre entre les handicaps ou conditions personnelles et les correctifs que la société actuelle prévoit, à tort ou à raison, à certains égards. Entretemps, toutes les femmes américaines souhaitant allaiter pendant leur brevet d’avocat ont marqué un point.