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Credit Suisse et Goldman Sachs – The Same Old Story So Far: Take The Money and Run

Les affaires (des bonus du) Credit Suisse et Goldman Sachs m’amusent parce qu’elles tournent exactement autour du même point : « Take the money and run – and how to get away with it « . Mais dans des enrobages différents. Et que les capitalistes sont leurs plus mauvais avocats et communicateurs. La problématique de la rémunération des dirigeants des sociétés cotées n’est en réalité jamais abordée d’une manière véritablement pertinente. C’est un éternel dialogue de sourds entre le management, auquel j’associe le conseil, et les actionnaires. Le management se défend assez bêtement par l’argument que « d’autres gagnent plus ailleurs », en affichant des comparaisons internationales, et en soutenant que les meilleurs partiront s’ils ne sont pas retenus adéquatement financièrement. Ce dernier point est peut-être un argument fondé – mais ne répond toujours pas à la question de fond qui n’est jamais abordée : un manager à quatre, dix-sept ou septante-huit millions est-il meilleur qu’un manager à deux millions (cf. ce blog du 11 février 2009 [1]) ? Du coup et de même, la polémique sur la question de savoir s’il doit y avoir des normes légales ou réglementaires en la matière, et quel doit être leur contenu, est aussi à côté du débat. Le vrai problème est que la démocratie actionnariale ne fonctionne pas, et corollairement que cette problématique législative ne se poserait pas si elle fonctionnait. En réalité, le problème doit être vu de beaucoup plus loin que la question étroite de la rémunération des dirigeants : comment doit-être partagé le profit opérationnel d’une entreprise ?

Les prétendants sont multiples et sur des bases philosophiques différentes : l’Etat au travers de la taxation, les actionnaires dans une logique capitalistique, les travailleurs dans une logique collectiviste et le management dans… quelle logique ? C’est en réalité au propriétaire d’en décider et ce conflit n’existe que parce que les managers se sont comportés comme des propriétaires en lieu et place des propriétaires, et en verrouillant les droits sociaux des propriétaires ou profitant qu’ils n’étaient pas exercés, au fil des trente dernières années. Les habillages par des comités de rémunération, usines à gaz d’options et autres n’y ont précisément rien changé parce que tel est le réel problème. Il n’y en a aucun à ce que Georges Clooney, Roger Federer, Johnny Halliday ou le propriétaire de sa propre société gagnent des rémunérations faramineuses. Certaines peuvent sembler débiles – mais elles sont librement consenties et/ou le résultat d’un équilibre de marché qui est libre et non-biaisé. Il en va différemment dans des sociétés cotées où c’est précisément au propriétaire de prendre le « risque » que la société marche moins bien si elle ne paie pas suffisamment ses managers sur une base concurrentielle et globalisée. Décision et prise de risque dont il a été évincé mais qu’il va immanquablement se réapproprier à la faveur de ce qui se passe actuellement.

Dans l’affaire Goldman Sachs, c’est différemment la même chose. Les seuls intervenants qui sont certains de faire un profit avec un produit structuré, que son contenu soit une junk soup incompréhensible et ne valant pas un clou ou les valeurs sous-jacentes d’un pari économique qui se tienne, sont celui qui le construit et celui qui le place, que ce soit auprès d’un acquéreur qui est un autre institutionnel ou dans un portefeuille de client privé ou de fonds de pension. L’acquéreur du produit peut gagner dans certaines circonstances de marché, mais ce sont bien les premiers qui gagnent eux à tous les coups. Ils se défendent en arguant apporter une valeur ajoutée par la création d’un produit dont le marché est demandeur, qui suppose recherche, analyse, ingénierie et marketing (et que toute cette activité financière génère des impôts – ce qui est vrai). La réalité a malheureusement souvent été que les acquéreurs de ces produits sont d’autres institutionnels qui sont dans la même logique financière et dans le même intérêt de pur court terme, et non des clients au sens primaire comprenant ce qu’ils achètent. La réalité a aussi souvent été qu’il s’agissait de packager du junk en tablant sur une impossibilité objective de quantification des risques de la part tant du marché que des régulateurs. En exploitant au surplus souvent une absence de cloisonnement entre des informations et des acteurs économiques qu’aucune règle ni Chinese Wall n’arrive à garantir. Les banquiers se défendent en disant que les juges, les parlementaires, les commissions d’enquêtes parlementaires, les journalistes et même les régulateurs ne « comprennent rien à la finance et à l’économie ». C’est un peu court et le tableau est en fait assez sombre. C’est bien davantage ou effectivement parce que personne ne comprend rien à leurs produits, mais y laisse sa chemise, que ce sont eux qui ont pour l’instant du souci à se faire. Jusqu’à ce que les marchés reprennent, les effets de levier, les gains et les profits générés de manière purement mécanique, jusqu’à la prochaine crevée, et que tout le monde abandonne ces vaines fâcheries et se rue à nouveau sur ces perspectives d’enrichissement comme une ruée vers l’or… S’il est bien une constante historique, c’est que le capitalisme n’a pas de mémoire.