FCPA – Foreign Corrupt Practices Act – un nom familier en la matière. Le groupe suisse Panalpina et sept sociétés affiliées ont settled des charges de corruption moyennant une amende de $ 236 millions. Cela pour des actes de corruption en Afrique (Angola et Nigeria), Brésil et Asie (Russie, Kazakhstan, Azerbaïdjan et Turkménistan). Deux points particuliers au plan juridique – au-delà des faits et de ces délits eux-mêmes. Panalpina n’a pas agi sur sol américain et n’est pas coté aux Etats-Unis. La compétence invoquées par les autorités américaines est indirecte : Panalpina a agi comme prestataire de services, et donc comme agent, de clients américains (cotés). Et donc dans leur intérêt. C’est la première fois que la SEC fait valoir des charges contre une société n’étant pas cotée aux Etats-Unis – mais apparemment le DoJ l’aurait déjà fait. Commentaire : l’efficacité retrouvée des Etats-Unis en matière de lutte contre la corruption ces deux dernières années a également trait au fait que la SEC, gendarme de la bourse, peut dans le système américain les faire valoir également. Pas de poursuites pénales en Suisse (pas plus que pour ABB d’ailleurs [1]). Etonnant – mais la réalité est que les autorités de poursuite pénale suisses sont encore mal outillées pour instruire de telles infractions, et dénuées de la culture juridique d’ouvrir des enquêtes hors de dépôts de plaintes. En Suisse, les autorités savent poursuivre les cambrioleurs, les trafiquants, les criminels violents, les infractions économiques classiques (le boursier communal, le municipal ou l’employé de banque qui piquent dans la caisse) – mais pas les corporate or financial crimes (cf. ce blog du 22 septembre [2]).
Sauf éventuellement sur… dénonciation LBA. Ca on commence à connaître assez bien, et si une banque a détecté quelque chose, c’est bien qu’il doit y avoir quelque chose. Abus de confiance, escroquerie, cela va encore. Mais délits boursiers et abus de marchés, totalement hors de portée. Tant par méconnaissance que par culture. Puisque nous sommes dans le corporate crime, amusant de lire [3] que dans le cas des procès pénaux de deux « voleurs » de programmes de high-frequency trading de leur employeur, respectivement SocGen et Goldman Sachs, les procureurs ont demandé le huis-clos pour protéger les secrets d’affaires que représentent ces programmes ! Ce qui est piquant, c’est que sont renvoyés en justice les voleurs d’autres voleurs – puisque ces programmes sont en eux-mêmes de vastes abus de marchés. Que la SEC n’ait pas encore compris qu’en faire [4], ou osé, voire les défende [5], n’y change rien. Certes ils regroupent sous ce vocable plusieurs types d’interventions sur les marchés, complexes, – mais ils sont fondamentalement une fraude, une opération d’initiés, en tant qu’ils ont pour objectif d’exploiter par des gains de temps infinitésimaux les ordres et les transactions d’autres opérateurs. La page wikipedia actuelle [6] les décrit assez bien. Avec comme toujours les mille bonnes raisons pour lesquelles ces techniques sont favorables et non nuisibles au marché, avec l’habituelle tarte à la crème de l’augmentation de la liquidité (comme pour le naked short (cf. ici [7] et ici [8]… et mille autres endroits). Et nonobstant également l’emballement purement informatique qui peut en résulter – comme le mini-krach du 6 mai 2010. En attendant que le voleur principal soit démasqué, punissons déjà leurs propres petits voleurs. Ce qui est certain, c’est que si les autorités suisses ne poursuivent déjà pas les corrupteurs, elles ne poursuivront ni ne poursuivraient jamais le flash trading…