Arrêt du TF 2C_504/2008 [1] (du 28 janvier 2009) : Avocat sommé de cesser d’occuper par la Commission du Barreau pour cause de conflit d’intérêts. Le TF nie la qualité pour recourir de l’art. 89 LTF au client, nonobstant son intérêt de fait, admis, à pouvoir conserver son avocat. Sur le fond, le TF rappelle assez longuement les principes applicables en la matière sur la base actuelle de l’art. 12 let. c LLCA, et notamment la nécessité d’un conflit concret et non simplement théorique ou abstrait. Mais pour arriver finalement à la constatation que l’état de fait de l’arrêt du TA genevois est insuffisant pour trancher, et que les points de fait pertinents pour la solution du litige n’ont de même pas été instruits par le TA. L’arrêt du TA est ainsi annulé et celui-ci prié de rendre une nouvelle décision conforme à l’art. 112 LTF. Ce renvoi n’est pas franchement étonnant compte tenu des motivations en fait souvent sibyllines de nombreux arrêts du TA.
Jugement [2] (version Pdf.) du Tribunal de police de l’est vaudois du 11 février 2009 : Après un transport sur place et une audience anecdotiquement tenue dans un restaurant sur les pistes, un skieur est condamné à 45 jours-amende (à 120.-) pour lésions corporelles graves. Comme souvent lorsque la justice intervient « à la montagne », des réactions négatives dans les médias ont fustigé cette intrusion dans un des derniers espaces de liberté, un risque « d’américanisation » des pistes (cf. Le Temps du 13 février). Les stations indiquent préférer la prévention à la répression. Ce jugement apparaît toutefois légitime et relativement banal, les pistes de ski et le ski n’étant soustraits ni au droit, ni aux devoirs de prudence, ni aux conséquences de ses actes. Un tel jugement, même s’ils sont rares, concourt certainement à la prévention. Il est bien à ce titre qu’il ait été médiatisé. Il est d’autant plus utile que le ski a connu en vingt ans une évolution augmentant son risque inhérent et surtout aggravant les conséquences des accidents : la neige artificielle, le damage permanent et les skis taillés. Le damage et les skis actuels permettent à des skieurs moyens de skier très vite. Les skis taillés créent des trajectoires non plus parallèles mais convergentes. Tout cela crée un risque de collisions et, par les lois de la physique, la vitesse et les masses, les collisions ont de graves conséquences. La grande dureté de la neige artificielle augmente pour sa part les conséquences des chutes. Paradoxalement, une forte densité de skieurs réduit cependant à la fois les risques de collisions et leurs conséquences.
Deux autres constatations plus juridiques : Ce jugement illustre comme les autres que la sanction en jours-amende n’est pas « lisible » dans la population quant à sa gravité, son intensité. Cela affecte son aspect préventif, même s’il y a la perception que c’est une condamnation pénale et qu’il y a donc tout de même là une certaine gravité. Ensuite, les faits datent du 18 février 2005 et la condamnation du 11 février 2009. Il n’est pas acceptable que quatre ans s’écoulent entre des faits et la condamnation en première instance pénale dans une affaire très ordinaire – ce qui introduit parfaitement le troisième sujet.
Enfin, en droit suisse comme dans la CEDH figure en effet l’exigence du respect d’un délai raisonnable des procédures judiciaires. L’exigence d’un traitement raisonnablement rapide a augmenté en termes d’attente sociétale, et à juste titre. Il n’est pas acceptable que des situations personnelles soumises à la justice restent en suspens des années, que justice ne soit rendue qu’avec des années de retard, et que le justiciable ne puisse tourner une page donnée and go on with his or her life. Personne ne conteste ce beau principe lorsqu’il est évoqué abstraitement – mais la justice reste désespéramment et excessivement lente in concreto. Rares sinon inexistantes sont en Suisse les décisions de justice, notamment en matière répressive, qui osent considérer que le seuil du délai raisonnable est dépassé dans un cas donné – et en tirent les conclusions de droit. Ce n’est pas normal. Les avocats, pour leur part, renoncent trop fréquemment à invoquer cet argument et à le plaider en tant que véritable moyen destiné à s’imposer.
Il y a plusieurs (mauvaises) raisons à cela. D’abord le dépit de savoir que l’argument ne sera pas accueilli, voire leur vaudra une certaine réprobation du juge ou du tribunal nuisible à leurs autres moyens – puisque le reproche s’adresse fontalement à la justice, soit eux-mêmes. Ensuite le fait que cela donne l’impression que celui qui l’invoque veut s’en sortir non sur des moyens de fond, mais sur un moyen extrinsèque aux faits et aux responsabilités. J’ai toujours été frustré de cette démission du pouvoir judiciaire à affronter ce principe pourtant de rang supérieur, au même titre que d’autres garanties fondamentales, du seuil trop élevé qu’il lui fixe lorsqu’il le traite, et de la résignation des avocats à se battre pour son respect. Je suis tombé par hasard sur une décision d’une Cour pénale de Miami [3], fondée sur le sixième amendement de la Constitution, laquelle accorde une Motion to Dismiss Indictment pour dépassement du délai raisonnable. Cela me plaît résolument et il ne me gêne aucunement que le droit de poursuivre même peut-être un coupable s’efface comme il se doit devant une garantie générale de rang supérieur.