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Breaking News : La Cour européenne des droits de l’homme supprime la prescription civile du droit suisse !

Well, pas si vite – mais tout de même. Dans cette affaire Howald Moor et autres [1] ayant trait à un décès résultant de l’exposition à l’amiante, la justice suisse avait tranché que la prescription était atteinte, et donc opposable. La Cour vient de dire que, s’agissant d’un cas dans lequel la connaissance du fait dommageable survient après l’expiration du délai de prescription, dont le point de départ était le fait dommageable lui-même, reconnaître la prescription constitue une atteinte au droit d’accès au juge de l’article 6. Quelles seront donc les conséquences de cet arrêt, lequel supprime ici entièrement les effets de la prescription légale civile ordinaire ? La Cour ne s’embarrasse pas au passage des distinctions plus ou moins matérielles ou jésuitiques entre la prescription et la péremption : c’est le droit d’accès au juge qui doit être garanti et il ne l’est pas si les prétentions sont prescrites ou périmées avant d’en avoir connaissance. La prescription part d’un principe juste dans toutes les matières du droit : pour des raisons de sécurité juridique et de juste exercice du droit d’action, une prétention ne peut ni ne doit plus être instruite correctement, en termes de preuve notamment, après un long écoulement du temps. Un justiciable ne doit être indéfiniment exposé à un risque juridique, il doit pouvoir tourner les pages, que la vie continue. Or ici la Cour fait passer le droit d’accès au juge avant cette exigence de sécurité juridique – est-ce à dire donc qu’il n’est plus possible de se fier à la prescription du droit suisse ?

La réponse est non. Cette violation de l’article 6 est constatée dans cette affaire et à raison de ces circonstances. Son impact immédiat visera donc les situations identiques en termes de décalage entre la connaissance du fait dommageable et le moment auquel il s’est produit. Ce cas de figure n’est pas si fréquent. Il n’y aura donc pas de nombreux cas dans lesquels reconnaître la prescription atteindra ce seuil d’une restriction inadmissible de l’accès au juge – cette appréciation d’une violation se faisant au surplus en fonction des circonstances d’espèce. Pour autant, dans ce cas-là, l’article 6 prend préséance et paralyse effectivement la prescription. Il n’est pas inédit qu’un arrêt de la Cour constate frontalement qu’une disposition d’un droit national contrevient à un principe de la Convention. Il est plus rare qu’il s’agisse comme ici d’un principe ordinaire, cardinal et séculaire du droit civil. Le législateur devra-t-il revoir sa copie également – ce qui est d’ailleurs en gestation pour ces types de dommage ? Pas obligatoirement – mais probablement et préférablement. Il serait bien qu’un point qui touche à un élément cardinal du droit d’action civil et à un sujet aussi sociétalement sensible soit réglé – et non laissé à une appréciation aussi particulière que celle de savoir s’il y a eu violation in casu de l’article 6. Les dommages à la santé causés par l’Etat ou l’industrie sont un sujet sociétalement sensible par le déséquilibre qu’il y a entre les acteurs, et l’intérêt économique des industries à, souvent, avoir eu des comportements dommageables pour la santé. A suivre – ainsi qu’à court terme les effets sur les éventuels procès en cours.