Bonne nouvelle : Plus que 99’900 affaires en suspens à la Cour Européenne des Droits de l’Homme – et quand elle s’immisce dans notre contentieux fiscal avec les Etats-Unis

Posté le 23 mars, 2014 dans justice

Non, cette photo ne représente pas une centrale nucléaire – mais le Palais des Droits de l’Homme. Et c’est vrai – et le Président Spielmann de se taper sur le torse à cette bonne nouvelle – le backlog vient de tomber de… 160’000 à 99’900 affaires. Mais comme toujours, les statistiques de la Cour sont intéressantes, même parlantes – dans une perspective macro-judiciaire. Sans surprise ainsi, les deux plus hautes marches du podium sont occupées par… la Russie et la Turquie (119 et 118 arrêts de constatation de violation en 2013). L’actualité ne ment décidément pas. La suite reste sans surprise non plus : Roumanie, Ukraine, Hongrie, mais aussi Italie et Grèce. Et la Russie occupe à elle seule 16,8% des affaires pendantes. Mais la Suisse dans tout cela ? Elle a donné lieu à 13 arrêts sur les 916 rendus en 2013. C’est modeste mais, fait à relever, à 9 condamnations sur 13 arrêts – soit 70% de constatations de violations de la Convention dans les affaires tranchées. Ce qui confirme une fois de plus que le véritable écueil est la recevabilité – puisque qu’une fois franchie, il y a une majorité de violations. Et la Suisse est éclectique : une fois les traitements inhumains ou dégradants, deux fois l’absence de procès équitable, une fois l’absence d’enquête effective, une fois la durée de la procédure (soit quatre fois les garanties fondamentales de procédure ce qui peut apparaître bien anormal), une fois la liberté d’expression et quatre fois le droit à la vie privée et familiale. Et voilà-t-y pas qu’elle se mêle de fiscal avec les Etats-Unis ! On va rigoler et tout le monde va aimer, Américains en tête !

Dans une affaire 28601/11 à communiquée le 18 décembre 2013 assurément à suivre, la Cour s’est en effet saisie d’un cas de transmission d’un nom de client aux Etats-Unis par l’UBS, fait entériné par le TF comme l’on sait. Il va être passionnant de voir si la Cour envisagera d’y voir une violation de la Convention – nonobstant les traités fiscaux entre la Suisse et les Etats-Unis qui étaient la base légale de cette transmission, soit une question de hiérarchie et d’autonomie des traités. Le ton est donné quant aux angles sous lesquels la Cour a estimé, par sa communication au gouvernement défendeur, qu’il pouvait y avoir un problème conventionnel : art. 6 – que l’on connait bien, art. 7 – pas de peine sans loi, art. 8 – respect de la vie privée et familiale, et art. 14 – interdiction de la discrimination. Il est bien, salutaire même, que la Cour se soit saisie de cette affaire. Comme la Convention ne concerne pas à proprement parler la matière fiscale, la jurisprudence dans ce domaine lui est soustraite – et en souffre nécessairement un déficit en termes de droits de l’homme. Le droit fiscal n’a souvent de droit que le nom : c’est un rapport de force se nourrissant exclusivement de considérations économiques. De fait et de ce fait, le contribuable ne peut jamais gagner et la statistique jurisprudentielle est édifiante et déceptive. Vivement que la Cour s’investisse à cette occasion en cette matière – et avec la joie et l’intérêt que cela touche un problème d’échange d’informations fondé sur une convention de double-imposition, situé dans un contentieux politiquement marqué et dont le rapport de force n’est pas sans poser problème non plus. On va rire.

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