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Avocats : Quelques actualités Part. I – en matière de formation et de cursus pratiques et théoriques

Les avocats doivent compter avec les évolutions du droit affectant les intérêts des clients qu’ils représentent. Paradoxalement une large majorité ne suit que de très loin les évolutions susceptibles d’affecter la profession. Chez nous profession libérale, l’avocat a souvent le nez dans le guidon et peu de temps pour cela. Et ses associations professionnelles sont très inégalement prospectives. Certaines associations faîtières ont unifié certains domaines ou les vues sur certaines conditions-cadres, surtout au plan européen. Peu voient en revanche le vent en tant qu’il vient d’Amérique – mais où des évolutions et décisions importantes se dessinent as we speak. Aux Etats-Unis ainsi, le lien entre les études de droit et la pratique du droit en tant qu’activité commerciale sont constants. Les études coûtent cher – et le lien est donc nécessaire avec la faculté de trouver un emploi. La puissante ABA [1] est priée d’agir (source [2] et source [3]) pour que les études de droit involve teaching practice skills, que les diplômés en droit puissent pratiquer – c’est-à-dire être utilisables par leurs employeurs. Cela se traduit par un shift vers des case studies et case-based courses du ex cathedra théorique. Les programmes s’enrichissent également de cours de negotiation, counseling, interviewing and fact investigation ainsi que de problem-solving cases. Si la Faculté de Droit ne doit pas devenir un technicum juridique et doit enseigner avant tout une bonne base de théorie générale du droit et des matières, cette préoccupation d’efficience est bienvenue. En droit, il n’est plus possible de viser à lâcher dans la nature de simplement bons juristes – et compter qu’ils apprennent un métier en emploi. C’est ce que vise l’ECAV [4] à Genève – mais hors du cursus du Bachelor/Master toutefois.

Pourquoi cette demande et ces évolutions ? Des considérations de coût comme toujours dans le sens où la clientèle corporate refuse désormais parfois de payer des heures de collaborateurs de 1ère et 2ème années, et les heures de collaborateurs étant un important centre de profit pour les Etudes américaines. C’est donc bien que cette clientèle estimait ne pas en avoir pour son argent – avec pourtant des gradués de solides Law Schools. Certaines Etudes complètent encore la formation de leurs collaborateurs par des cours complémentaires en finance et comptabilité qu’offrent désormais en post-grad certaines Law Schools en connection avec des programmes de MBA. Dans la même veine, une étude [5] a demandé à des avocats quels cours avaient été les plus utiles ensuite dans leur pratique. Résultats : 1) evidence (preuve), 2) droit administratif, 3) droit des sociétés. A la question des cours qu’ils auraient dû prendre : 1) complex litigation, 2) droit administratif, 3) pretrial advocacy, 4) corporate finance et 5) droit et comptabilité. Intéressant. Nous verrons aussi sûrement dans le futur de plus en plus de CV multi-disciplinaires comme droit et lettres, droit et journalisme, droit et management, comme autrefois droit et sciences-po ou droit et sciences-commerciales. Cela non sous forme de doubles Bachelors/Masters mais de formations et modules complémentaires. Nous le verrons car le marché, le monde juridique d’aujourd’hui ont besoin de juristes multidisciplinaires au-delà des options offertes en interne aux études de droit.

Au plan de la structure de la pratique, les Etats-Unis offrent un visage différent de l’Europe. Les dix plus grandes Etudes sont des entreprises intégrées de 3’700 (Baker & McKenzie) à 1’600 (Mayer Brown) avocats. Plus des centaines d’autres de centaines d’avocats, côtoyant dans le marché des boutique ou niche firms, des sole practicioners, etc. avec tous degrés de généralisme ou de spécialisation. Dans les Etudes intégrées, les parcours de collaboration se scindent en plusieurs voies, entrepreneuriales vers l’association – ou non. C’est à nouveau dans la logique de la pratique et du marché, des ressources humaines et de la demande. Certaines Etudes créent désormais des multiple tracks définis pour leurs collaborateurs. Les entreprises de Corporate America comptent pour leur part toujours sur le Barreau pour leur former leurs top juristes d’entreprise. Aux Etats-Unis comme en Europe, peu de ces entreprises recrutent à la sortie des Facultés de droit (HP par exemple a un département juridique de 500 personnes aux Etats-Unis). A cet éclatement de l’offre et de la demande de prestations juridiques se greffe encore l’émergence d’une activité temporaire, quasiment à la pige. Les Temp Lawyers sont des avocats, parfois même expérimentés, qui sont appelés à l’heure ou pour des missions temporaires, des intermittents du droit. Ils sont parfois chômeurs, parfois des femmes en interruption de carrière pour cause de famille, parfois pour cause de cursus accessoire. Pour certains il s’agit d’un problème avec une activité à responsabilité sous-payée. Pour d’autres c’est une flexibilité pour l’employeur et l’employé comme dans de nombreux autres secteurs d’activités, permettant à certains avocats de vivre une meilleure work/life balance tout en conservant une pratique et une rémunération. Evolutions à suivre en tout cas.