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Arbitrage : Grosses affaires versus petites affaires – quelques réflexions et en matière de célérité

De la manière dont il est pratiqué en Suisse, l’arbitrage porte avant tout sur des litiges importants en valeur litigieuse et essentiellement commerciaux. En très résumé, ses avantages usuellement cités sont la confidentialité, le choix des arbitres, leur disponibilité et leur écoute, et la faculté d’opérer des choix procéduraux et quant à son déroulement. L’exclusion de voies de recours ordinaires en est un selon les cas. L’arbitrage débouche également plus fréquemment sur des transactions, avec ou sans le concours des arbitres. L’arbitrage demeure cependant cher. Il était vanté autrefois comme une forme d’aristocratie judiciaire, allant à l’essentiel avec utilité et courtoisie. Il est aujourd’hui une voie dans laquelle la courtoisie est souvent de mise, et appréciable, mais pavée d’autant d’incidents et de conflits préjudiciels sinon plus qu’en justice civile ordinaire, avec une incidence nécessaire sur sa durée. Son intérêt réside à mes yeux plus principalement dans deux facteurs. Le premier est la disponibilité qui peut être attendue des arbitres, particulièrement lors de la phase d’instruction d’audience. La qualité de l’instruction d’audience et l’intérêt portés à la cause sont souvent plus grands qu’en justice civile. Le second est sa rapidité – quand elle peut être assurée ou est dictée de manière stricte par le compromis ou l’acte de mission. La lenteur de la justice, souvent évoquée sur ce blog, en est aujourd’hui le défaut le plus important au plan sociétal. L’arbitrage n’est donc de manière générale pas pratiqué en Suisse et en Europe pour de plus « petits » litiges. C’est le cas aux Etats-Unis, notamment en matière de consommation et de crédit, où cela constitue une véritable industrie mais dans laquelle une série de questions intéressantes se sont posées récemment.

De nombreuses banques, sociétés de cartes de crédit, de leasing automobile, d’informatique ou autres prestations commerciales du même type, incluent en effet dans leurs conditions générales des clauses arbitrales avec attribution à des institutions arbitrales données – lesquelles ont elles mêmes souvent un but commercial. L’objectif pour la partie commerciale au contrat est de soumettre les litiges avec ses clients-consommateurs à une procédure plus rapide, moins chère et moins formaliste que la justice civile. Cet intérêt peut en principe être aussi celui du client. Dans la pratique, il s’est cependant avéré dans de nombreux cas qu’il ne s’agissait que de simulacres de procédures, expéditives et expédiées, parfois même exclusivement par correspondance, permettant en réalité à la société de disposer d’un titre exécutoire rapidement et sans grande forme de procès. Trois reproches ont également été i) que ces clauses arbitrales avaient pour objectif plus subliminal, mais tout aussi concret, d’exclure les class actions, ii) que cette exclusion systématique par un certain nombre d’opérateurs, dans ce résultat, violait le droit antitrust (ce qu’a admis la Cour d’Appel du 2ème Circuit [1] le 25 avril 2008), et iii) que le lien commercial entre l’institution d’arbitrage et la partie commerciale au contrat de consommation créait nécessairement un conflit d’intérêt. Plusieurs Cours Suprêmes d’Etats ont également tranché que cette renonciation automatique à la justice civile, pour avoir accès notamment à une carte de crédit, était excessive. Un projet de loi intitulé Arbitration Fairness Act [2], controversé pour être inversément excessif, a même été déposé et est pendant devant le Congrès pour empêcher ces clauses types.

Depuis, le débat se poursuit et dépasse ces quelques paragraphes – le consumer arbitration étant un véritable et immense marché aux Etats-Unis. Une étude récente [3] soutient que contrairement à l’accusation que ces procédures favorisent la partie commerciale forte, le consommateur obtient gain de cause dans 51,8% des cas et que la procédure est bouclée en 7 mois pour une valeur litigieuse moyenne de 19’000 $. Cette étude se limitait toutefois aux statistiques d’une institution arbitrale. D’autres études, évoquées notamment dans un rapport de l’ABA [4] d’avril 2008, relèvent que dans certaines (autres) institutions d’arbitrage, le consommateur n’obtient gain de cause que dans moins de 1% des cas. Ce sont toutefois les chiffres qui m’intéressent. Résoudre de tels litiges de ce type de valeur litigieuse en sept mois, c’est infiniment plus rapide que la moindre instance civile. C’est même presque dire implicitement que la justice civile ordinaire, par ses contraintes dont résulte précisément la durée des procédures, y est en fait inadaptée. Pour autant bien sûr que la procédure arbitrale employée soit librement consentie et, surtout, ne viole en aucune manière les droits de partie et garanties fondamentales de procédure. Cela n’apparaît pas devoir par principe être le cas mais c’est précisément l’objet du débat.