
Aftermath de l’affaire Madoff : le logiciel de la SEC pour détecter la aberrational performance des hedge funds
L’un des éléments-clé de l’affaire Madoff – et des dizaines de procès en responsabilité qui en résultent – réside dans la performance constante qu’il affichait en dépit des variations et de la volatilité des marchés – en lien avec le caractère incompréhensible et qu’aucun feeder fund client n’a vérifié concrètement de sa stratégie de placements. Ni la SEC. Dans son aftermath de l’affaire, l’agence a donc créé un logiciel destiné à surveiller les résultats, la performance économique de milliers de hedge funds, et à détecter des performance aberrantes (cf. ici et ici) – qui seraient l’indice d’une fraude ou d’autres malversations ou abus de marchés. Certains fonds peuvent afficher une performance exceptionnelle laquelle ne présente pas de problème si elle est réelle, vérifiable et vérifiée, et s’explique en termes économiques. Le niveau de risque de la stratégie concernée et son caractère spéculatif sont alors un point distinct. Sur des milliers de fonds dont la performance est analysée de la sorte, cible qui sera prochainement étendue à plus vingt-mille incluant les mutual et private equity funds, une centaine a fait se lever des red flags et entraîné une enquête concrète. Et cela fonctionne puisque plusieurs cas de fraude ont été détectés. Il est étonnant qu’il ait fallu attendre 2009 et l’affaire Madoff pour cette mise en œuvre. Les opérateurs sur les marchés financiers utilisent eux-mêmes depuis longtemps des outils informatiques et statistiques pour analyser les marchés, soit non seulement les données macro-économiques qui le sous-tendent mais aussi les flux et transactions des opérateurs et les tendances qui en résultent.
Ces ressources techniques existent et sont ainsi employées. Des administrations en utilisent aussi dans certains secteurs – par exemple en matière boursière pour déceler des volumes ou transactions insolites ou fiscale pour déterminer des standards sectoriels et déceler des entreprises dont la rentabilité inférieure à celui-ci peut cacher des soustractions de recettes. Dans nombre de procédures civiles et pénales dans des affaires de mauvaise gestion, l’analyse scientifique a posteriori du lien entre la performance des avoirs gérés et celle du marché en fonction de la stratégie de placements est toujours éclairante. Il est intéressant que la SEC avait apparemment indiqué dans un premier temps en lien avec ce logiciel que des performances supérieures de 3% à l’indice ou à la référence concernée entraînerait un examen accru de sa part. Ce qui avait inquiété certains gérants. Cette pratique n’est pas confirmée mais l’idée est fondamentalement saine et sans péril pour le gérant honnête. Il est possible aujourd’hui pour certains paris économiques de surperformer les marchés ou de les prendre à revers par pari inverse. Il faut simplement que cela soit explicable et réel. Les mathématiques sont implacables en ce que chaque point de performance supérieure à celle du marché correspond à une prise de risque. Et qu’à un risque est associée la possibilité de sa réalisation. Rien de faux donc à avoir les outils pour vérifier cela.
Comme dans tous les tests, le véritable problème réside dans la capacité des systèmes utilisés à filtrer ce que les mathématiciens appellent les « faux positifs ». En pratique, beaucoup de ces outils arrivent effectivement à détecter des fraudes potentielles, mais beaucoup de celle-ci n’en sont pas réellement. Dès lors, l’autorité de surveillance se voit obligée d’allouer des ressources importantes pour controller chaque signal généré par l’algorithme et celle-ci sont effectivement déviées d’autres tâches plus efficaces. C’est pour cette raison précisement que l’utilisation ex post d’outils scientifiques fonctionne lorsque d’autres indices avaient effectivement soulevés des soupçons importants a priori.
Le problème de tout modèle — comme la finance l’a découvert en 2008 — est que ses utilisateurs finissent par se reposer exclusivement sur des signaux quantitatifs (ou scientifiques) qui leur donnent une fausse impression de sécurité et d’exhaustivité. Il serait bien dommage que le droit fasse la même erreur que le monde de la finance…