Le vol de données bancaires suisses de l’affaire Falciani touche à de nombreuses considérations juridiques et politiques. Leur origine illicite, le contexte de lutte fiscale contre le secret bancaire, les tribulations du ministre Woerth et sa fusiblisation. La France reste un pays féodal au plan politique. Elle a néanmoins dans de nombreux domaines une vraie culture juridique et judiciaire d’Etat de droit. Ainsi la Cour d’appel de Paris a-t-elle rendu le 8 février une décision courageuse dans le contexte politique mais qui est simplement juste et indépendante. La question de l’utilisation d’une preuve illicite n’est pas simple. Dans certains systèmes, la preuve illicite est inutilisable point. Dans d’autres, cela dépend d’une pesée entre l’intérêt de la procédure et l’intérêt général, de l’Etat de droit, à la légalité de la preuve. Cette décision de la Cour d’appel de Paris, s’appuyant sur une jurisprudence apparemment claire de la Cour de cassation, a sanctionné en l’espèce le caractère illicite de la preuve comme support à une perquisition en matière fiscale. Cela est juste et rassurant. Plus grave en revanche est la constatation de ce que l’administration a menti pour tenter d’éluder ce problème pourtant évident. Ce point est primordial car non seulement l’administration ne doit pas biaiser mais l’objectif était vil : tenter de faire que la perquisition débusque des éléments confortant alors valablement ceux – inutilisables – invoqués pour la fonder. Ci-dessous les considérants de la Cour :
Mais attendu :
que si l’administration soutient que la DNEF a obtenu des données informatiques de l’autorité judiciaire les 9 juillet 2009, 2 septembre 2009 et 12 janvier 2010 en application de l’article L101 du LPF par le Parquet de Nice, l’appelant démontre quant à lui, que selon le rapport d’enquête n° 2010-M-062-01 établi par l’Inspection générale des finances (IGF) à la demande du Ministre du Budget, des Comptes publics et de la Réforme de l’Etat, et rendu public le 11 juillet 2010, « la DNEF a transmis le 28 mai 2009 à l’administration centrale une liste de contribuables disposant d’un compte en Suisse dite liste des « 3000 » et qu’il s’avère donc que la DNEF était en possession de cette liste et « l’a exploitée bien avant sa transmission officielle par l’autorité judiciaire en application de l’article L101 du LPF ; »
qu’en tout état de cause, il s’agit de données volées, la réalité de la commission de ce vol ayant été confirmée par le Ministre du Budget, des comptes publics et de la réforme de l’Etat de l’époque,
que l’origine de ces pièces est donc illicite, que l’administration en ait eu connaissance par la transmission du Procureur de la République ou antérieurement à cette date ;
que procède au contrôle qui lui incombe en application des dispositions de l’article L.16B du livre des procédures fiscales, le premier président d’une cour d’appel qui, lorsqu’il est saisi d’une contestation sur ce point, vérifie que les pièces produites par l’administration fiscale, au soutien d’une demande d’autorisation de visite domiciliaire, ont été obtenus d’une manière licite ; (Cass.Com.7 avril 2010 pourvoi n°09-15.122 ;BIV n°73) ;
que ces pièces dont l’origine est illicite, ont servi de base pour rendre son ordonnance au JLD qui les a citées à de très nombreuses reprises ;
que du tout, il s’évince que le JLD en l’absence de ces deux pièces illicites ne disposait pas d’éléments suffisants pour présumer la fraude et devait en conséquence rejeter les requêtes de l’administration fiscale;