Actionnaires et dirigeants / UBS suite : Les souscriptions du management dans la recapitalisation – rien à redire ou problème de plus ?

Posté le 6 juin, 2008 dans finance / eco

Selon un communiqué LT-ATS du 3 juin (et « par ailleurs »), UBS a rendu public que Marcel Rohner, CEO, a exercé son droit de souscription dans la recapitalisation et acquis 184’429 actions nouvelles pour CHF 3,87 millions. Il est indiqué que par leurs acquisitions d’actions, les dirigeants veulent « démontrer leur confiance dans leur entreprise ». Au moins, c’est communiqué et donc transparent – ce qui est bien.

Hum.

Plusieurs considérations et sentiments s’entrechoquent. Premier sentiment, est-il licite/moral/acceptable qu’un organe exécutif acquière des actions dans la recapitalisation après une perte de 37 milliards d’euros – et avoir été honoré d’un salaire et accessoires hors du commun y compris lors des exercices lors desquels cette perte a été réalisée ? Le management vise à bénéficier là de la réappréciation du titre maintenant que la banque est recapitalisée, les pertes amorties/provisionnées et ses centres de profits toujours effectifs. C’est à mon sentiment indécent de la part de ceux qui étaient in charge lors des pertes. Qu’elles aient été réalisées dans une unité donnée qui n’est pas représentative des autres unités de la banque n’y change rien et c’est un affront de plus aux actionnaires qui ont subi la perte. L’alibi avancé de montrer que le management a confiance dans l’entreprise est en outre faiblard et hypocrite.

Sera-t-il rétorqué à cela que M. Rohner (et les autres – la réflexion est générale) a également subi la baisse par les actions qu’il possédait auparavant, et qu’il ne fait donc que « moyenner à la baisse », ce que de nombreux investisseurs font et dont on ne voit pas pourquoi il ne le ferait pas ? Ce sont des conjectures mais cela ne changerait rien. L’on ne peut pas « même » moyenner à la baisse lorsque l’on est le management qui est accountable pour la perte éprouvée. Nous sommes à une époque qui vénère et exagère le culte de la repentance et de l’expiation – battage de coulpe auquel les dirigeants de l’UBS n’ont eux certainement pas succombé et dont ils ont encore moins abusé. Il n’était pas demandé à MM. Rohner, Ospel et Cie de demander pardon à genoux – et ils ne l’ont pas fait. Racheter du titre tout de suite est à l’inverse l’illustration de ce qu’ils considèrent eux-mêmes a) que tout cela n’est finalement que très virtuel et b) qu’il n’y a donc qu’à essayer de se refaire ou de se refaire aussi – soit de tirer parti de la recapitalisation et du plancher supposément atteint du cours.    

Ce qui me frappe en effet dans cette affaire, c’est que l’UBS a subi cette perte incroyable par son ampleur dans un laps de temps court, que les recapitalisations sont intervenues somme toute rapidement également, et que le tout semble finalement s’être « dilué » dans l’éclatement de l’actionnariat. Au point que cette perte de 37 milliards d’euros semble finalement n’avoir été que virtuelle, scripturale, et tout est fini poutzé et redevient comme avant. C’est le sentiment qui découle de nombre d’articles de presse dont il y a quelques jours encore d’une interview lénifiante dans Le Temps du même Marcel Rohner. Tout est fini on remonte la pente on est confiants. Fini poutzé kein problem.

La perte, énorme, chiffrable, chiffrée, même si elle fluctuera encore avec les réappréciations possibles de certains sous-jacents provisionnés, s’est comme évaporée par sa micro-fragmentation, au point d’en être presque oubliée et rangée au placard des aléas de marchés. C’est injuste puisque correspondant précisément à la dilution/mutualisation des pertes sur les actionnaires alors que les profits vont pour une part prioritaire au management par les salaires et les primes. Ce qui est rassurant en revanche tout de même est que c’est cette fragmentation de la perte qui semble finalement avoir amorti un tel choc d’une too big to save (c’est-à-dire sans faillite – mais avec une recapitalisation rapide qui ne se répètera pas dans chaque cas de figure).

Conclusion : Cela demeure injuste et sans réparation pour chaque actionnaire individuel ayant subi la perte. Quant à la participation du management dans la recap., suis-je le seul et à côté des mes pompes à y voir un problème au moins moral ?

2 réponses à “ Actionnaires et dirigeants / UBS suite : Les souscriptions du management dans la recapitalisation – rien à redire ou problème de plus ? ”

  1. Jean-Cédric Michel dit :

    Un de mes amis banquiers m’indiquait qu’il s’offusquerait au contraire de l’inverse, soit si MM. Rohner et consorts ne réinvestissaient PAS de LEUR propre argent dans la recapitalisation, c’est-à-dire dans l’entreprise. Ce serait un signal désastreux pour le marché d’une absence de confiance dans la banque. Any other opinion?

  2. René Mozer dit :

    Ce dont il faut être conscient, c’est que nul ne connait la profondeur des pertes de l’UBS. Personne n’imaginait les pertes déjà amorties et nul ne sait si ce sont les dernières.

    L’argent investi par certains membre du Conseil d’administration (pas tous!) sont tout à fait acceptable dans tous les cas de figure:

    1) C’est un droit, ne l’oublions pas!
    2) Ils ne savent pas jusqu’où le cours peut tomber, ni quand il va monter, car la situation les dépassent complètement! (J’en profite pour rappeller que l’on ne devrait pas investir dans une société « à la petite semaine », mais sur un horizon de temps bien plus long).
    3) Ils croient encore à la capacité de l’UBS de s’en sortir (ce qui effectivement rassure Mr. Market).
    4) Ils ne sont pas à une erreur près… Je rappelle que contrôle du risque a failli et que l’ensemble du Conseil d’administration a failli, quand bien même l’UBS etait connue pour s’être déjà plantée en ’90. Pourquoi?
    Car ils ont concidéré la titrisation comme un risque « action », donc OK et qu’une armée de « Risk Managers » contrôlait le risque de « crédit hypothécaire » (où là ils sont très forts pour vous prêter avec le ratio dette/fonds propres le plus baible avec le taux % le plus élevé…).

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