Acquittement de Cioffi et Tannin à New York : Le coeur du débat sur l’intervention du droit pénal dans la finance

Posté le 14 novembre, 2009 dans finance / eco

L’acquittement de Cioffi et Tannin mardi à New York est un événement dans le débat qui a lieu sur toutes les places financières quant au rôle que doit jouer le droit pénal en matière financière. Ces deux anciens gérants de hedge funds de Bear Sterns étaient accusés d’avoir menti à leurs investisseurs sur l’état de santé des fonds pour les détourner de retirer leurs avoirs. La défense a plaidé qu’ils pensaient sincèrement que leur stratégie leur permettrait de se refaire et n’ont commis aucune infraction en partant de cette idée dans leurs rapports avec leurs clients. Pour les juristes, la théorie ne pose pas de problème particulier. Faire valoir une  représentation fausse entraînant un acte de disposition préjudiciable du client viole le droit pénal, au moins sous l’angle du dol éventuel. A fortiori si le gérant en retire un avantage. Pour les financiers, la vision est plus manichéenne : le droit pénal doit être réservé à la fraude au sens primaire et les procès qui leurs sont faits au-delà de cela revient à criminaliser les pertes ou l’erreur de gestion – ce qui n’est ni légitime ni sain.

Le débat, sur un plan théorique, a trait à des notions qui ne souffrent pas de problème majeur de définition, pour ce qui est du droit suisse celle de la la gestion déloyale. Les problèmes sont davantage pratiques et de moeurs. L’accusation s’est lamentée à New York d’avoir perdu non sur le droit mais à cause d’un jury n’ayant rien compris, respectivement s’étant fait embobiner par les accusés (sic). Les accusés et leurs partisans se sont réjouis de ce signal clair qu’il ne fallait pas criminaliser les mauvaises décisions de gestion. En Suisse, ce débat aura certainement lieu dans le cadre des procès Madoff. Il est en suspens dans l’affaire UBS, pour ce qui concerne son contentieux avec les Etats-Unis et ses engagements pour compte propre dans les subprimes l’ayant amenée à deux doigts de la faillite. Le Parquet de Zurich continue à « étudier » la chose. Le feedback réel est qu’il ne sait pas comment s’y prendre et n’a ni l’envie ni les capacités de gérer une affaire aussi ample et complexe.

Cette absence de capacité pratique à poursuive les infractions financières complexes, encore moins dans un délai raisonnable, est un mauvais signal pour le marché, la place financière, la population. Cette absence d’accountability qui en résulte délite la moralité et mine la confiance. Tout cela permet dans l’intervalle à ceux qui entonnent la chanson simpliste qu’il ne faut pas criminaliser les mauvaises décisions d’investissements de le chanter en ces termes qui ne sont pas les bons. Cela permet à nombre d’opérateurs de jouer à leur profit et d’une manière contraire à la loi de leurs obligations de transparence et de fidélité de leurs représentations à leur clientèle. De présenter comme de simples malheureuses décisions de gestion des actes dans lesquels la décision était biaisée par un intérêt personnel occulte. And to get away with it du fait notamment de l’absence de transparence, et de connaissance par les autorités de poursuite, des mécanismes concernés dans des cas où l’application de la loi pénale serait fondée. Cela mine également à terme la confiance dans les marchés et les opérateurs.

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