A l’heure à laquelle le Tribunal fédéral est opposé à la retransmission des délibérations… publiques (de manière difficilement compréhensible), à l’heure à laquelle l’avocat d’un prévenu genevois doit encore aller sélectionner au greffe avec des post-it les documents du dossier dont il doit demander des copies physiques à un huissier qu’il recevra par la poste, l’Angleterre met en place elle ses accès numériques à la justice pénale [1]. Certains fronceront un sourcil : hou ça doit être cher, compliqué, quid de la sécurité, comment gérer tout ça ? Le bon vieux dossier papier ya rien de tel et au moins, on sait ce qu’on fait et qui fait quoi. Sauf quand ils sont volés ou disparaissent comme en France un temps dans les affaires politiques ou de banditisme corse. Ca oui, quand un dossier physique disparaît, le prévenu est souvent tiré d’affaire. Outre cette annonce et les réactions les faits : d’ici à 2016, 500 salles d’audience seront équipées du wi-fi, les auditions de témoins pourront avoir lieu par vidéo depuis des postes de police, les dossiers seront entièrement numériques et les preuves entièrement numérisées et affichées sur écran en audience, et les policiers rédigeront leurs rapports sur le terrain sur des smartphones directement connectés plutôt que sur leurs séculaires calepins. Les victimes pourront, elles, suivre en ligne l’évolution de l’enquête. Les inculpations auront lieu par avis postal dans certaines affaires, notamment de circulation. Mais combien ça coûte et qu’est-ce que ça rapporte ?
Cela coûte apparemment 160 millions de livres (240 millions de francs) pour 4,5 millions d’heures de manutention, dont 300’000 sur les seules inculpations, et 160 millions de feuilles de papier, économisés. Au-delà de seuls chiffres, investissements et économies, de la simple mise en place du vecteur électronique de communication, cette réforme intervient également sur le processus et au plan du fond : un système judiciaire plus accessible, plus transparent, envers les victimes d’infractions notamment, des procédures et audiences simplifiées et rapides pour certains types de délits notamment routiers, et une interface logicielle sûre, efficace et simple pour l’accès aux dossiers électroniques des procédures pour les intervenants, policiers, procureurs et avocats. Et en amont un processus d’établissement des faits plus efficace car travaillant en temps réel et rendant les preuves et les témoignages directement accessibles dans le dossier – notamment les auditions de témoins à chaud. Un coût de 240 millions, cela semble peu élevé pour un système qui équipera chaque poste de police, parquet et tribunal dans un pays de 60 millions d’habitants. En Suisse le fédéralisme y est probablement hélas un obstacle au plan national : 26 budgets à voter et à imposer aux 26 polices et pouvoirs judiciaires dans trois langues. Et le faire canton par canton rend l’exercice un peu décourageant – à l’heure à laquelle les polices notamment doivent coopérer sur un plan global. Frustrant en tout cas de voir les anglais y arriver alors que nous sommes nulle part. Même si on en avait rêvé [2] – avant de se réveiller [3].